Publicité
Publicité
Société
- Mis à jour le

La "Grande Puanteur"

En Grande-Bretagne, l’été 1858, est entré dans l’Histoire comme étant celui de la "Grande puanteur"... Cet été-là, il fait très chaud à Londres. En plein soleil, les températures atteignent 48 degrés. Cette chaleur étouffante entraîne une baisse du niveau de la Tamise, où le contenu des eaux usées des quelque 3 millions d’habitants de la capitale est déversé. Ceux qui osent s’aventurer sur les berges risquent de perdre connaissance, tant l’odeur qui se dégage des eaux brunes est pestilentielle… Clémentine Portier-Kaltenbach se pince le nez et vous raconte une séquence nauséabonde de l’histoire londonienne.Cette histoire londonienne se passe à l’été 1858, l’un des plus terribles qu’ait jamais eu à traverser la ville de Londres … C’est l’été de « La Grande Puanteur », un phénomène tel que la ville s’est retrouvée à l’arrêt complet, paralysée par l’odeur pestilentielle qui se dégageait de la Tamise. Mais que s’est-il passé ?Un système d'égouts en mauvais étatDans toutes les grandes villes de l’époque, le fleuve est à la fois une source d’alimentation en eau… et le lieu où l’on déverse déchets et eaux usées. Par déchet, il faut comprendre que tout y passe : déchets humains, animaux, industriels… Bien sûr, plus les villes grandissent, plus la quantité de déchets augmente.La question de la pollution de la Tamise est très ancienne. Le sujet est devenu une préoccupation dès le XVIIe siècle et la ville de Londres s’était alors dotée d’une centaine d’égouts. En 1856, la ville en compte 360 et environ 200 000 fosses d’aisance. Toutefois, la plupart de ces égouts sont en très mauvais état. C'est le même constat à Paris, où en 1832, une épidémie de choléra a ravagé la population.Au début du XIXe siècle, on fournit un effort substantiel pour permettre un approvisionnement en eau de qualité. On va remplacer les conduites médiévales en bois par des conduites en fer et c’est à cette époque que les Anglais inventent la chasse d’eau .Le problème, c’est qu’avec la Révolution industrielle qui secoue la ville au XIXe siècle, la population londonienne passe d’un peu moins d’un million à trois millions d’habitants. Cette croissance exponentielle entraîne évidemment une forte augmentation des rejets dans la Tamise et le système d’égout devient défaillant.Les bactéries et leurs conséquencesQue se passe-t-il alors ? Tout le surplus a tendance à déborder, transformant le fleuve et ses berges en cloaques. En 1858, la Tamise est considérée comme l’un des fleuves les plus pollués au monde. Dès 1828, on commence à comprendre ce que sont les germes et les microbes et les caricatures montrent une goutte d’eau londonienne pleine de monstres. Les Anglais ont un nom pour l’eau qui vient du fleuve : la « Monster Soup ».On a bien l’intuition qu’il ne faut pas boire l’eau du fleuve mais on ne sait pas encore démontrer pourquoi. En 1854, un certain John Stow élabore une forme rudimentaire de la théorie des germes pour démontrer que l’épidémie de choléra dans un quartier populaire est due à une pompe à eau contaminée. Mais comment traiter le problème ?Faut-il curer le fleuve et créer un nouveau système d’égouts plus moderne ? L’un des partisans de cette idée est le célèbre chimiste et physicien anglais Michael Faraday. En juillet 1855, il fait une promenade en bateau sur la Tamise et adresse une lettre au Times dans laquelle il décrit son expérience." La Tamise est un fluide brun, pâle, opaque, de matières fécales et de déchets industriels. Si nous négligeons ce sujet, avant longtemps, une saison chaude nous donnera la triste preuve de la folie de notre insouciance. "Et de fait, cette catastrophe écologique prédite par Faraday atteint son point de basculement entre juin et août 1858, soit à peine trois ans plus tard.Une pestilence responsable de maladiesCet été là est particulièrement chaud, c’est même l’un des plus chauds qu’ait connu Londres depuis des décennies. Les températures oscillent entre 30°C à l’ombre et 48°C au soleil. Que se passe-t-il alors ? Mécaniquement, le niveau de la Tamise baisse et les matières fécales des égouts s’entassent sur les berges du fleuve. Avec la chaleur, les bouses infâmes accumulées depuis des années se mettent à fermenter, voire à bouillir.L’odeur est effroyable. On relate que ceux qui s’aventuraient aux abords du fleuve perdaient connaissance, saisis par l’odeur pestilentielle. Une pestilence qui, ainsi que l’avaient prédit John Stow et Michael Faraday, va entraîner une série de maladies : diphtérie, scrofule, choléra…La reine Victoria et le prince Albert, un jour de cet été là, veulent faire une croisière d’agrément sur la Tamise. Mais ils ne font que quelques mètres et au bout de quelques minutes, sont obligés d’y renoncer, tant l’odeur est insupportable.Dickens, célébrant l’horreur du fleuve, va plus loin. Il décrit la Tamise en ces termes :" Un égout infect et meurtrier, qui aurait dû être une belle et fraîche rivière, coulait et refluait au cœur même de la ville. "Des paroles prophétiques : dans les années 50, la Tamise a été déclarée biologiquement morte. Aujourd’hui, grâce aux efforts déployés ces dernières décennies, elle fait partie des fleuves traversant une grande ville les plus propres du monde. On ne peut pas encore en dire autant de la Seine, même si la ville de Paris déploie des efforts pour la rendre baignable dès 2025 .

En savoir plus
À propos

En Grande-Bretagne, l’été 1858, est entré dans l’Histoire comme étant celui de la "Grande puanteur"... Cet été-là, il fait très chaud à Londres. En plein soleil, les températures atteignent 48 degrés. Cette chaleur étouffante entraîne une baisse du niveau de la Tamise, où le contenu des eaux usées des quelque 3 millions d’habitants de la capitale est déversé. Ceux qui osent s’aventurer sur les berges risquent de perdre connaissance, tant l’odeur qui se dégage des eaux brunes est pestilentielle… Clémentine Portier-Kaltenbach se pince le nez et vous raconte une séquence nauséabonde de l’histoire londonienne.


Cette histoire londonienne se passe à l’été 1858, l’un des plus terribles qu’ait jamais eu à traverser la ville de Londres … C’est l’été de « La Grande Puanteur », un phénomène tel que la ville s’est retrouvée à l’arrêt complet, paralysée par l’odeur pestilentielle qui se dégageait de la Tamise. Mais que s’est-il passé ?

Un système d'égouts en mauvais état

Dans toutes les grandes villes de l’époque, le fleuve est à la fois une source d’alimentation en eau… et le lieu où l’on déverse déchets et eaux usées. Par déchet, il faut comprendre que tout y passe : déchets humains, animaux, industriels… Bien sûr, plus les villes grandissent, plus la quantité de déchets augmente.

La question de la pollution de la Tamise est très ancienne. Le sujet est devenu une préoccupation dès le XVIIe siècle et la ville de Londres s’était alors dotée d’une centaine d’égouts. En 1856, la ville en compte 360 et environ 200 000 fosses d’aisance. Toutefois, la plupart de ces égouts sont en très mauvais état. C'est le même constat à Paris, où en 1832, une épidémie de choléra a ravagé la population.

Au début du XIXe siècle, on fournit un effort substantiel pour permettre un approvisionnement en eau de qualité. On va remplacer les conduites médiévales en bois par des conduites en fer et c’est à cette époque que les Anglais inventent la chasse d’eau .

Le problème, c’est qu’avec la Révolution industrielle qui secoue la ville au XIXe siècle, la population londonienne passe d’un peu moins d’un million à trois millions d’habitants. Cette croissance exponentielle entraîne évidemment une forte augmentation des rejets dans la Tamise et le système d’égout devient défaillant.

Les bactéries et leurs conséquences

Que se passe-t-il alors ? Tout le surplus a tendance à déborder, transformant le fleuve et ses berges en cloaques. En 1858, la Tamise est considérée comme l’un des fleuves les plus pollués au monde. Dès 1828, on commence à comprendre ce que sont les germes et les microbes et les caricatures montrent une goutte d’eau londonienne pleine de monstres. Les Anglais ont un nom pour l’eau qui vient du fleuve : la « Monster Soup ».

On a bien l’intuition qu’il ne faut pas boire l’eau du fleuve mais on ne sait pas encore démontrer pourquoi. En 1854, un certain John Stow élabore une forme rudimentaire de la théorie des germes pour démontrer que l’épidémie de choléra dans un quartier populaire est due à une pompe à eau contaminée. Mais comment traiter le problème ?

Faut-il curer le fleuve et créer un nouveau système d’égouts plus moderne ? L’un des partisans de cette idée est le célèbre chimiste et physicien anglais Michael Faraday. En juillet 1855, il fait une promenade en bateau sur la Tamise et adresse une lettre au Times dans laquelle il décrit son expérience.

" La Tamise est un fluide brun, pâle, opaque, de matières fécales et de déchets industriels. Si nous négligeons ce sujet, avant longtemps, une saison chaude nous donnera la triste preuve de la folie de notre insouciance. "

Et de fait, cette catastrophe écologique prédite par Faraday atteint son point de basculement entre juin et août 1858, soit à peine trois ans plus tard.

Une pestilence responsable de maladies

Cet été là est particulièrement chaud, c’est même l’un des plus chauds qu’ait connu Londres depuis des décennies. Les températures oscillent entre 30°C à l’ombre et 48°C au soleil. Que se passe-t-il alors ? Mécaniquement, le niveau de la Tamise baisse et les matières fécales des égouts s’entassent sur les berges du fleuve. Avec la chaleur, les bouses infâmes accumulées depuis des années se mettent à fermenter, voire à bouillir.

L’odeur est effroyable. On relate que ceux qui s’aventuraient aux abords du fleuve perdaient connaissance, saisis par l’odeur pestilentielle. Une pestilence qui, ainsi que l’avaient prédit John Stow et Michael Faraday, va entraîner une série de maladies : diphtérie, scrofule, choléra…

La reine Victoria et le prince Albert, un jour de cet été là, veulent faire une croisière d’agrément sur la Tamise. Mais ils ne font que quelques mètres et au bout de quelques minutes, sont obligés d’y renoncer, tant l’odeur est insupportable.

Dickens, célébrant l’horreur du fleuve, va plus loin. Il décrit la Tamise en ces termes :

" Un égout infect et meurtrier, qui aurait dû être une belle et fraîche rivière, coulait et refluait au cœur même de la ville. "

Des paroles prophétiques : dans les années 50, la Tamise a été déclarée biologiquement morte. Aujourd’hui, grâce aux efforts déployés ces dernières décennies, elle fait partie des fleuves traversant une grande ville les plus propres du monde. On ne peut pas encore en dire autant de la Seine, même si la ville de Paris déploie des efforts pour la rendre baignable dès 2025 .

Publicité
En lien avec cette émission
Au coeur du crime
Société

"Au Cœur du Crime" vous propose de (re)découvrir en podcast l'émission culte d’Europe1 "Crime Story" incarnée en 1988 par Serge Sauvion, acteur qui a notamment doublé le comédien Peter Falk.. Inspiré des plus grands romans policiers anglo-saxons, dans lesquelles les disparitions mystérieuses et les meurtres de sang-froid sont monnaie courante, ce podcast est un polar audio qui vous met au défi de résoudre de véritables énigmes policières. Chaque mardi et chaque vendredi écoutez un nouvel épisode intense et immersif."Au Cœur du Crime" est disponible sur le site et l’application Europe 1 ainsi que sur toutes les plateformes d’écoute.

Au Coeur de l'Actu
Société

Au Coeur de l'Actu

Julien Pichené

 "Au Coeur de l'Actu", c'est le podcast de la rédaction d'Europe 1 qui vous éclaire sur les sujets qui font l'actualité. Découvrez nos formats courts "10 minutes pour tout savoir" et nos séries documentaires, enrichis avec les archives de la radio.

Réécoute Olivier Delacroix
Société

Libre antenne

Olivier Delacroix

Au cœur de la nuit, les auditeurs se livrent en toute liberté aux oreilles attentives et bienveillantes d'Olivier Delacroix, du lundi au jeudi, et de Valérie Darmon, du vendredi au dimanche. Pas de jugements ni de tabous, une conversation franche mais aussi des réponses aux questions que les auditeurs se posent. Un moment d'échange et de partage propice à la confidence pour repartir le cœur plus léger. Si vous aussi vous souhaitez témoigner, laissez vos coordonnées en appelant Europe 1 au : 01 80 20 39 21 (numéro non surtaxé).

Europe 1 Nuit
Société

Europe 1 Nuit

Maël Hassani

Tous les soirs, Maël Hassani vous livre le concentré de l'actualité du jour, tout en gardant un œil sur les événements à venir avec les Unes de la presse du lendemain.

Société

Les années Top 50

Ombline Roche

Tous les soirs du lundi au vendredi entre 22h15 et 22h30 Ombline Roche vous plonge dans les musiques des années Top 50 sur Europe 1. Et si vous en voulez plus, rendez-vous les samedis et dimanches entre 21h et 22h ! 

Europe 1 Matin
Société

Europe 1 Matin

Dimitri Pavlenko

Deux heures de direct à l'écoute de celles et ceux qui font le monde : le raconter, le décrypter et l'analyser pour donner des clés de lecture et de compréhension aux auditeurs.

Destins Extraordinaires Europe 1
Société

Qui sont réellement ces icônes qui ont marqué la France et leur époque ?Ce nouveau podcast d'archives vous transporte dans le passé et retrace pour vous les parcours et épreuves hors du commun de ces artistes et grandes personnalités françaises. Comment sont nées ces légendes aux destins extraordinaires ? Des récits uniques, racontés par les grandes voix d'Europe 1 !

Europe 1 Soir
Société

Europe 1 Soir

Pierre de Vilno

Le tour complet de l'actualité en compagnie de Pierre de Vilno et de la rédaction d'Europe 1 de 19 heures à 21 heures.

Micro Europe 1
Société

Formidables échecs

Hervé Mathoux

Chaque parcours de vie est constitué de réussites mais aussi… d’échecs. Bien souvent, ceux-ci nous renforcent et nous apprennent autant, si ce n’est plus que les succès. Dans cette nouvelle série d’entretiens, le journaliste Hervé Mathoux évoque avec son invité ses plus beaux "accidents". Première personnalité à se plier à l’exercice : l’acteur Denis Podalydès, sociétaire de la comédie française.

Société

Europe 1 13h

Céline Géraud

Tous les jours de la semaine pendant les fêtes, Céline Géraud fait un point de l'actualité à la mi-journée avec Europe 1 13h. Au programme : des reportages, des invités et la parole des experts et journalistes de la rédaction en studio pour apporter un éclairage supplémentaire.