Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous plonge dans les coulisses de l’assassinat du duc de Guise. En 1588, alors que les guerres de religion entre catholiques et protestants ensanglantent son royaume, Henri III (1551-1589) fait éliminer son plus grand rival.
Nous sommes en décembre 1588, en pleine guerre de religion entre catholiques et protestants. Une Ligue Catholique s'est constituée, dont le chef charismatique est Henri de Guise, l'oncle de Marie Stuart. On le surnomme "Le Balafré", comme son père. A Paris, Henri de Guise est tout puissant, à tel point que les parisiens voudraient le faire monter sur le trône à la place de Henri III.
Henri de Guise n'a aucune légitimité dynastique, mais il a le soutien du roi d'Espagne, un allié de poids dans l'Europe de l'époque. Philippe II, férocement catholique, encourage même Henri de Guise à obliger Henri III à convoquer des Etats Généraux.
L'humiliation de Henri III
Pour Henri III, la situation est délicate. Il est le légitime roi de France mais il n'est pas très apprécié et il a devant lui la popularité de ce rival, bien plus beau, en meilleure santé, soutenu par l'ensemble du royaume. Il est obligé de se soumettre, au moins en partie. Il promet au duc de Guise et à la Ligue Catholique de ne jamais conclure aucune paix ou trêve avec les hérétiques (comprendre : les protestants, en majorité). Dans le même temps, il nomme Henri de Guise "Le Balafré", Lieutenant général du royaume et lui demande de rejoindre Blois où doivent se tenir des Etats Généraux.
Le problème pour Henri III, c'est que parmi les députés et les représentants de la noblesse française qui vont participer aux Etats Généraux à Blois, les partisans du duc de Guise sont majoritaires. Et leur objectif est très clair : obtenir la déchéance du roi. Pour eux, pas de problème : Henri III n'a pas de descendance, il fraye avec des hérétiques et prévoit, et c'est sans doute le pire, de laisser son trône à un roi protestant, Henri de Bourbon (le futur Henri IV).
Le 15 octobre 1588, Henri III doit promettre aux défenseurs du duc de Guise que les décisions prises unanimement par les trois ordres réunis aux Etats Généraux deviendront les lois du royaume. Le roi promet sur le bout de la langue, il se sent humilié.
Il faut dire que c'est une rupture institutionnelle comme on n'en avait rarement vu et un affront à son autorité royale. A l'issue de ce camouflet, Henri III prend la seule décision qui, selon lui, s'impose : se débarrasser du duc de Guise.
Le matin de l'assassinat
Deux mois plus tard, le 23 décembre 1588 à Blois, à huit heures du matin, parmi 45 gentilhommes, derniers fidèles de Henri III, une vingtaine qui appartient à la garde royale est choisie pour abattre le duc. C'est le roi lui-même qui leur distribue les poignards avant de se retirer. Les assassins dissimulent les armes sous les manteaux et se cachent dans la chambre du roi. Les autres, armés d'épées, se cachent dans le "cabinet vieux", une petite pièce juste à côté.
Le secrétaire de Henri III prévient le duc de Guise que le roi le fait mander dans le cabinet vieux. Le duc ne se méfie pas un seul instant et se dirige dans le couloir précédant le cabinet. En ouvrant la porte, il aperçoit les hommes qui l'attendent, l'épée à la main. Il veut reculer et fuir, mais les huit hommes qui stationnaient dans la chambre du roi lui coupent toute possibilité de retraite. Ils se jettent sur lui, le saisissent aux bras, aux jambes, roulent son manteau autour de son épée. Le duc est un homme robuste, il parvient à faire tomber quatre de ses agresseurs en les blessant avec une petite dague.
Mais il n'est pas de taille face au nombre. Il prend un coup de couteau dans la gorge et un coup d'épée fatal dans les reins. Il tombe près du lit du roi en gémissant ses derniers mots en latin : "Miserere mei, Deus", "Pitié pour moi, mon Dieu". Le roi a assisté à tout le spectacle, caché derrière une tenture. A la vue du corps de son rival, il se serait écrié :
Il est plus grand mort que vivant !
L'histoire racontée par les membres de la Ligue prend une tournure un peu différente. Un ami du duc de Guise décrit la scène ainsi :
Et voilà la roi qui apparaît. L'épée nue au poing, aborde ce corps, déjà transi, et d'une voix transportée, et d'une action pire que celle d'un démoniaque, frappant du pied sur l'estomac, sur la gorge, et sur la face de ce pauvre prince, lui disait : «Nous ne sommes plus deux, je suis roi maintenant !»
Un répit de courte durée
Quoiqu'il en soit, lorsqu'on fouille le cadavre, on trouve une lettre contenant les mots : "Pour entretenir la guerre civile en France, il faut 700 000 livres tous les mois." Le duc de Guise était bel et bien en train de négocier des fonds avec l'Espagne pour mettre à bas l'autorité royale. La conscience en paix, Henri III se rend à la chapelle Saint-Calais pour entendre une messe d'action de grâces pour remercier Dieu d'avoir estourbi son ennemi.
Le lendemain, Louis, le cardinal de Lorraine et surtout frère du duc de Guise, est assassiné à son tour et son corps va rejoindre celui du duc de Guise dans une salle du château. Les deux cadavres sont ensuite brûlés et les cendres jetées dans la Loire. Pour Henri III, l'affaire est presque réglée, il ne lui reste qu'à mater la Ligue Catholique qui a pris le contrôle de Paris et d'une partie du royaume.
Il n'aura guère le temps de profiter d'un moment de répit. Huit mois plus tard, il meurt à son tour, assassiné par Jacques Clément, un moine catholique fanatique. C'est à Henri de Navarre, devenu Henri IV, premier et seul roi protestant de France, qu'il appartiendra désormais de restaurer la paix civile.