Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous raconte le dernier amour de Jeanne du Barry (1743-1793). À la mort du roi Louis XV, en 1774, sa dernière favorite n’a que 30 ans. Après s’être retirée à l’abbaye du Pont-aux-Dames, elle retourne au château de Louveciennes, où elle reçoit régulièrement la visite du duc de Brissac (1734-1792)…
Quand Louis XV meurt en 1774, Jeanne du Barry est encore très jeune, elle a à peine la trentaine et ne sait pas ce qu’elle va devenir.
D’abord, elle est prisonnière d’Etat : le soir-même des obsèques du roi, elle reçoit l’ordre de Louis XVI de se retirer à l’abbaye du Pont-aux-Dames. Elle va y passer un an avant d’acheter un petit château, le château de Saint-Vrain, mais elle ne s’y plaît pas. Elle finit par obtenir l’autorisation de retourner à Louveciennes, offert par Louis XV (aujourd'hui le château privé le plus cher au monde).
Là-bas, elle va mener une vie agréable et douillette, dans le confort et le luxe, durant plusieurs années. Parmi ses visiteurs réguliers se trouve le duc de Cossé-Brissac, lieutenant-colonel des Cent-Suisses et gouverneur de Paris. Il prend auprès de Jeanne du Barry le rôle de confident dévoué, empressé, amical et bien davantage…
Une relation sans querelle
C’est là que va se nouer entre eux une relation ébauchée depuis déjà longtemps. Cossé-Brissac a vingt ans de plus qu’elle mais il en est épris depuis longtemps et la défendait toujours contre ses détracteurs.
De l’avis général, c’est un gentilhomme et un très bel homme : grand, blond, aux larges épaules, les yeux bleus, des manières extrêmement délicates. Il lui est tout dévoué. De nombreuses lettres du duc de Brissac à Madame du Barry ont été conservées : elles sont simples et touchantes. La relation entre les deux a été une véritable histoire d’amour et l’homme s’y montre sans fard, parfaitement sincère. On n’y retrouve pas le côté un peu dépressif de Louis XV.
Dans une lettre, il écrit par exemple :
" Que votre lettre du 22, Madame la Comtesse, est philosophique et savante. Oui, il faut de la philosophie et de l’espérance, ainsi que de la patience lorsqu’on est loin de vous. Mais adieu, adieu Madame la Comtesse, il est tout à l’heure midi et je veux aller à Brissac. Je vous offre mes hommages et mes remerciements de votre exactitude à me donner de vos nouvelles. Elles sont mon seul bonheur, comme de penser à vous, aux sentiments éternels que je vous ai voués et que je vous offre de tout mon cœur. "
Leur relation, sans querelle ni ombrage, dure pendant seize ans. C’est auprès de cet amoureux fort tendre, fort épris, fort riche, que la comtesse passe ses années de maturité et franchit la période de la quarantaine. A Paris, elle dispose d’un hôtel dans le faubourg Saint-Germain, juste à côté du sien. Ils ont un goût commun pour les œuvres d’art et la grande fortune du duc de Brissac les aide à en acquérir.
Le deuxième amant de Jeanne du Barry
Il y aura tout de même un petit accroc, lorsqu’elle se fait courtiser par un anglais, le comte Henry Seymour, qui est son voisin à Louveciennes, et avec lequel elle échange quelques billets doux. Brissac et Seymour se détestent cordialement et font des scènes de jalousie à Madame du Barry, prise entre ses deux amants.
C’est finalement Seymour qui rompt avec la comtesse : il ne supporte pas de la partager avec un autre. Dans une suprême élégance, Brissac l’emmène, pour la consoler, sur ses terres à lui, en Normandie.
Leur histoire aurait pu durer jusqu’à leurs vieux jours mais la Révolution en décida autrement. Madame du Barry a alors 46 ans. Elle se retranche à Louveciennes où elle commet une première erreur : elle accueille les gardes du corps de Marie-Antoinette qui ont été blessés. Mais c’est un autre incident qui va la perdre.
Une histoire interrompue par la Révolution
Le 10 janvier 1790, alors qu’elle passe la soirée à Paris chez le duc de Brissac pour y tirer les rois, son château est cambriolé. Tout est volé, ses robes, ses bijoux et la liste des possessions dérobées est placardée dans tout Paris. La population est alors au courant de l’immense fortune en bijoux que possède la Du Barry. Il y avait notamment des émeraudes, des boîtes en cristal de roche, des bracelets, des médailles d’onyx…
La haine populaire éclate contre elle. On commence à raconter que ses diamants ont été envoyés aux émigrés pour préparer leur retour. D’autant que les bijoux ont été retrouvés à Londres… Alors Madame du Barry part à Londres avec son homme de confiance. Que n’est-elle restée en Angleterre…
Elle revient en France, pensant qu’elle est une femme du peuple (Jeanne du Barry est née Jeanne Bécu, c'est une roturière de naissance) et qu’on ne peut lui reprocher d’être une aristocrate. Entre-temps, le roi est arrêté à Varennes et elle est accusée de trahison. Brissac est également arrêté. Ce dernier, sentant sa mort prochaine, va lui laisser par testament la somme exacte de tous les diamants et de toutes les merveilles qui lui avaient été volées.
Alors qu’elle se trouve chez elle, dans son château de Louveciennes, elle entend un cortège de sans-culottes qui se présente devant le château. Ils sont munis de torches et les hommes gravissent le perron, bousculent les vieux serviteurs qui tentent de les retenir, ouvrent violemment la porte. Parmi les lanternes, les sabres et les piques souillés de poussière et de sang, l’un des hommes lui tend une tête coupée qu’il tient par les cheveux : c’est la tête du duc de Brissac.
Les hommes se frappent les cuisses et rient aux éclats face à Madame du Barry, absolument consternée, qui reconnaît le visage de son amant.
Elle le suivra rapidement dans la tombe. Elle est emprisonnée à Sainte-Pélagie le 22 septembre, jugée le 6 décembre et guillotinée deux jours plus tard.