Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach revient sur les “fillettes” du roi de France Louis XI (1423-1483), qui alimentèrent sa légende noire. Dans l’Europe du Moyen-Age, la cage est un instrument de torture répandu. On la scelle sur les murs hauts des châteaux avant d’y enfermer les prisonniers abandonnés à leur sort. Mais Louis XI les utilisait-il vraiment de manière excessive ?
Les cages de fer existent depuis l'Antiquité. Alexandre le Grand, roi de Macédoine, enferma dans une cage de fer le philosophe Callisthène, qui était un disciple et neveu d'Aristote. Jean de Joinville, le chroniqueur de Saint-Louis, raconte aussi que le roi des Tartares, après s'être emparé de Bagdad, a fait mettre en cage le calife. Au XIVe siècle, le fameux conquérant turco-mongol Timour le Boiteux (mieux connu sous le nom de Tamerlan), après sa victoire contre le sultan Bajazet, l'aurait fait enfermer dans une cage pendant huit mois (ce qui donnera plus tard le nom d'une tactique de jeu d'échecs : la cage de Tamerlan).
Dans l'Europe du Moyen-Âge, la cage de fer est toujours très répandue. En Italie, on la scelle sur les hauteurs des murs du château et on laisse pourrir le prisonnier à l'intérieur, aux yeux de tous. En France, on a longtemps prétendu que l'apparition de la cage de fer comme mode d'enfermement et de torture des prisonniers était due au roi Louis XI.
L'origine de la légende
Le roi, connu pour être particulièrement cruel, doit en partie cette réputation à Philippe de Commynes, le chroniqueur du duc de Bourgogne, accessoirement l'ennemi juré de Louis XI. Commynes rejoint finalement le camp de Louis XI mais des années plus tard, après la mort du roi, il est enfermé dans une cage par l'héritier Charles VIII. C'est de lui que vient la légende de Louis XI et ses cages.
Il raconte que le premier à en tâter fut l'évêque de Verdun, Guillaume de Haraucourt, qui aurait passé quatorze ans d'une cage, qu'il décrit de façon très précise : construite dans la cour de la Bastille, par 19 ouvriers charpentiers qui ont travaillé durant 20 jours, elle fait 3m sur 2,5m, munie de plaques de fer grillagées avec un plancher renforcé.
Ces cages variaient dans leurs dimensions et la matière utilisée. Certaines étaient faites de bois, d'autres de fer. Elles n'étaient pas toujours accrochées au même endroit : à l'extérieur des murs du château, pendue à un crochet dans une salle ou simplement accrochées au mur. On raconte qu'à Chinon, l'une des cages se trouvait sur des pivots et les geôliers pouvaient la faire tourner à l'envi.
Une cruauté pas si évidente
Si on revient à Louis XI, on raconte qu'il aurait ordonné la construction des cages pour y enfermer le cardinal Jean de la Balue, qui avait comploté avec Charles le Téméraire, adversaire mortel du roi. Jean de la Balue fut enfermé au château d'Onzain, près de Blois, durant onze années. Une reproduction de la cage est visible à Loches.
Mais la plupart du temps, à quoi servaient vraiment ces cages ? Au transport des prisonniers, tout simplement. Un jour, Simon de Quingey, un page de Charles le Téméraire, fut enfermé dans une cage si basse qu'il ne pouvait s'y tenir ni debout, ni allongé. En l'apprenant, Louis XI fit surélever la cage. Un geste charitable qui contraste avec la réputation de cruel sadique qu'on lui impose...
Les cages de fer ont bien existé sous Louis XI mais à deux ou trois exceptions près, il n'y a jamais enfermé ses ennemis 24h/24. Ces cages étaient surtout utilisées dans les forteresses peu sûres et pendant la nuit pour éviter que le prisonnier ne s'évade. Les fameuses "fillettes de Louis XI", nom cocasse donné par le cardinal de la Balue, désignaient les fers et les chaînes des prisonniers. Une vérité bien loin de la légende des ennemis qu'on laissait pourrir dans des cages de torture accrochées au plafond...