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En 1910, alors qu'elle n'a que 43 ans et qu'elle est au sommet de sa gloire et veuve depuis quatre ans, Marie Curie entame une liaison passionnée avec son ami et collègue, le physicien Paul Langevin. Ils se connaissent depuis fort longtemps puisque Paul a été l'élève de Pierre Curie. Problème : Langevin est marié et père de quatre enfants. En novembre 1911, la presse dévoile cette liaison et le scandale est énorme.

Quand son mari meurt en 1906, renversé par un fiacre à Paris, du côté du Pont Neuf, Marie Curie se retrouve veuve. C’est une jeune veuve, mère de deux enfants et elle est au sommet de sa gloire. Elle tombe alors éperdument amoureuse de Paul Langevin, qui a cinq ans de moins qu’elle. Elle le connaît très bien puisqu’il a été l’élève de Pierre Curie.

Paul Langevin est un très grand scientifique, un ami, un concurrent d’Einstein sur ce qui concerne les recherches sur la relativité, un professeur respecté au Collège de France. Malheureusement, il est malheureux en ménage. Il s’est marié un peu jeune, à 22 ans à peine.

Marie Curie tombe amoureuse, comme elle ne l’a jamais été de Pierre Curie. En 1910, Langevin prend un petit appartement dans le quartier Latin, qui désormais abritera leurs amours.

La révélation de la liaison

En novembre 1911, ils assistent tous les deux à un congrès à Bruxelles, en présence des plus grands physiciens du monde. Pendant qu’ils sont là-bas, un journal tire sa une à 750 000 exemplaires, avec pour titre « Une histoire d’amour : Madame Curie et le professeur Langevin, les feux du radium viennent d’allumer un incendie dans le cœur du savon qui étudie leurs actions » (on savait faire des titres à l’époque !).

Toute la presse s’y met. Le Petit Journal, 850 000 exemplaires, publie une interview de Jeanne Langevin, disant qu’elle est au courant de cette liaison depuis trois ans. Elle a toutes les preuves nécessaires : son beau-frère est allé piquer les lettres de Marie Curie et Langevin dans le petit appartement que Paul louait dans le quartier Latin.

Au même moment (début novembre 1911), Marie Curie apprend que le Prix Nobel de chimie va lui être décerné. Extraordinaire récompense, extraordinaire réussite, cas unique dans l’histoire de la science et jour de gloire pour la science française. On pourrait penser que ce prix Nobel mettrait un terme à la polémique mais pas du tout : cela continue de plus belle avec des titres éloquents : « Madame Curie restera-t-elle professeur à la Sorbonne si elle est convaincue d’adultère ? Elle est professeure, ses élèves ont droit à la respectabilité ! » Marie Curie se terre chez elle, elle ne dira jamais un mot de toute cette affaire.

L’œuvre, une revue xénophobe et antisémite créée par un certain Gustave Terry, un normalien qui a abandonné l’enseignement et a été le condisciple de Langevin, ne va pas rater le couple. Deux brochures sortent, intitulées « Pour une mère » et « Le calvaire d’une mère ». Voilà ce qu’on peut y lire : « Délibérément, méthodiquement, scientifiquement, Marie Curie s’est appliquée à détacher Paul Langevin de sa femme et de ses enfants ». Il publie, in extenso, l’assignation où les lettres de Marie Curie sont complaisamment citées.

Le soutien de ses amis

La Sorbonne est à feu et à sang. Petit à petit, heureusement, des gens vont se manifester pour la soutenir. Elle va recevoir des fleurs, des bonbons, des lettres de gens qui l’aiment et qui l’admirent.

Elle doit faire, le 10 décembre, un voyage exténuant pour la Suède afin de recevoir son prix Nobel. Pour y aller, il faut 48 heures de train, alors qu’elle est malade et moralement au plus bas. Elle doit faire un discours devant une foule et la famille royale alors qu’elle se trouve dans un maelström épuisant, qu’elle est déjà atteinte d’une maladie rénale dont il faudra l’opérer à son retour en France.

Quand elle rentre, elle se réfugie pendant des mois à Brunoy, dans une maison louée discrètement par sa sœur. Grâce à l’intervention de son ami Raymond Poincaré, son nom n’apparaîtra pas et ne sera pas prononcé dans le jugement de divorce des Langevin.

Deux ans plus tard, Paul Langevin réintégra toutefois le foyer conjugal. Ils restèrent de très grands amis. Les véritables amitiés de Marie Curie restèrent inchangées, son prestige scientifique resta intact et elle remonta doucement la pente.