Chaque matin, Marion Sauveur nous parle d'alimentation, de "mieux manger", de solutions concrètes pour changer ce qu'il y a dans notre assiette.
On passe à l’alimentation, avec Marion Sauveur. Dans votre verre ce matin, il y a du vin.
Oui, du Sauternes. Vous savez ce vin blanc liquoreux, à la couleur dorée et aux arômes de fruits confits, d’agrumes, de miel et d’épices. Et bien, il est passé de mode, Le président de l’appellation parle même de désaffection. Preuve en est, en 20 ans, la production a baissé de 24%.
Aujourd’hui seulement 6 millions de bouteilles sont vendues chaque année, c’est une microscopique partie des 645 millions de bouteilles des vins de Bordeaux. Il souffre d’une image démodée, on parle souvent d’association Sauternes - Foie gras, comme si c’était le seul accord mets-vin possible avec ce liquoreux. Et puis, qui dit liquoreux dit sucre, et le sucre n’a pas bonne presse en ce moment. Enfin, le Sauternes n’est pas un vin bon marché, il faut compter 12 euros en moyenne la bouteille, c’est le double du prix moyen d’une bouteille de Bordeaux.
Et pourtant Marion, le Sauternes n’a pas toujours eu cette image.
Non, vous avez raison bien au contraire. En 1855, lorsque la classification officielle des vins de Bordeaux a été établie, pour l’exposition universelle de Paris, deux catégories ont été constituées. Les vins rouges d’un côté, avec les premiers, deuxièmes, troisièmes, quatrièmes et cinquièmes crus. Et les vins blancs de l’autre : 27 Châteaux de Sauternes et de Barsac, et divisés en Premier cru supérieur, premiers crus et deuxièmes crus. Derrière l’appellation Premier cru supérieur, un seul Sauternes : le Château d'Yquem. Et à cette époque, leurs prix dépassaient ceux des rouges de Bordeaux.
Cette appellation d’origine protégée est la plus prestigieuse des vins liquoreux. Elle s’étend aujourd’hui sur un peu plus de 2.000 hectares, c’est moins de 2% de l’ensemble du vignoble bordelais, et uniquement sur les communes de Sauternes, Fargues, Preignac, Bommes et Barsac, 185 producteurs réalisent ce breuvage aujourd’hui.
Et j’imagine qu’il faut un savoir-faire particulier.
Déjà, le Sauternes est issu de 3 variétés de vignes différentes, ce sont les cépages : donc la muscadelle, le sauvignon et le sémillon. L’arôme si particulier du Sauternes est développé grâce à la présence d’un champignon, Il attaque les raisins, et forme ce qu’on appelle la “pourriture noble”, qui concentre les sucres du raisin. Les grappes de raisins sont ensuite cueillies à la main, uniquement à maturation, et en plusieurs fois. C’est un véritable travail de précision qui explique le prix élevé du vin.
Comment les producteurs essayent de relancer le Sauternes ?
Ils proposent une offre oenotouristique nouvelle, qui s’adresse notamment aux jeunes. C’est le cas du Château de Rayne-Vigneau, à Bommes, qui propose des dégustations de Sauternes perchées dans un cèdre centenaire, Une dégustation qui se mérite puisqu’il faut d’abord grimper à la corde avant d’atteindre une table suspendue dans le vide, autour de laquelle 4 personnes peuvent trinquer au Sauternes. Le domaine propose aussi un "escape game", vous savez un jeu d'énigmes, une sorte de chasse aux trésors, et basé sur l'histoire de la propriété.
D’autres Châteaux ouvrent leurs portes au public, comme le château Gravas à Barsac, qui a même installé des œuvres d’arts dans les chais pour attirer les touristes. Le Château Guiraud propose quant à lui un restaurant, un bistrot situé dans son ancienne chapelle. Et même l’emblématique Château d’Yquem a créé une boutique, où les vins sont présentés comme dans un showroom.
Un hôtel de luxe vient même d’être inauguré, avec treize chambres, au Château Lafaurie-Peyraguey. Le restaurant, où officie Jérôme Schilling, a une vue imprenable sur les vignes, et la carte a été pensé avec des accords mets-Sauternes du Château. Un cocktail avec du Sauternes et un zeste d’orange est même proposé : le Sweetz, de quoi attirer les jeunes !
Et puis, seize vignerons se sont regroupés en créant La Cave Coopérative Sauternes Vignerons. Ensemble, ils veulent proposer un vin de meilleure qualité, valoriser leur production avec des volumes importants et veulent tenter de conquérir d’autres marchés. Ils visent notamment la Chine, adepte de produits sucrés, mais qui ne consomme que très peu de Sauternes.