Notre éditorialiste Virginie Phulpin s'inquiète ce mercredi des conséquences de l'épidémie de coronavirus sur le sport féminin dans son ensemble. La crise pourrait faire revenir les sportives et leurs disciplines des années en arrière.
Ce matin vous vous inquiétez pour le sport féminin. La crise actuelle ne doit pas ramener le sport féminin des années en arrière, et pourtant le risque est bien là.
Elles sont celles qu’on ne voit pas pendant cette crise : les sportives, les grandes oubliées de ce moment charnière. Partout, on se pose des questions sur ce que va devenir le sport, sur les adaptations nécessaires, sur le rôle qu’il doit jouer. Mais les sportives, on n’en parle pas.
Oui, j’ai peur que le sport féminin ne soit une priorité que quand tout va bien, une priorité de façade, quoi. Et dès que les choses se compliquent, on se replie sur la valeur refuge, le sport masculin évidemment. Les sportives, on s’en occupera quand ça ira mieux.
Je ne vois pas à quelle autre conclusion on peut arriver quand on regarde ce qui s’est passé dans le foot espagnol par exemple. La Liga se pose mille questions pour savoir quand reprendre le championnat, et comment. Mais le championnat féminin ça a été vite vu. On arrête, et c’est tout. Emballé c’est pesé, on ne va quand même pas s’encombrer de questions autour des filles.
Alors je ne dis pas que le but était de reprendre au plus tôt, surtout pas. Mais le deux poids deux mesures est assez choquant. Je sais bien que les intérêts économiques ne sont pas du tout les mêmes, je ne suis pas naïve. Mais du coup, si on ne s’intéresse qu’à la rentabilité à court terme, le sport féminin va replonger des années en arrière.
On dirait le mythe de Sisyphe. Avec la Coupe du monde féminine de football, on était presque arrivés en haut de la montagne, avec notre rocher. Et là, la crise sanitaire est en train de faire dévaler le sport féminin tout en bas. C’est vraiment ça qu’on veut ?
Comment peut-on éviter, justement, de voir le sport féminin mis de côté ?
Il y a un travail à faire à plusieurs niveaux. D’abord dans nos instances du sport. Les dirigeants sont rarement des dirigeantes. Et qu’on le veuille ou non, ça influe sur les priorités qu’on se donne. Ce serait peut-être le moment de réfléchir à un rééquilibrage.
Ensuite, il y a l’organisation des clubs. Si on prend l’exemple du football, ce sont très souvent les clubs masculins qui ont créé une section féminine. Cela a beaucoup d’avantages. Ça permet aux sportives de bénéficier des infrastructures et de l’organisation de clubs bien installés. Mais c’est parce qu’elles dépendent des clubs masculins que ces sections risquent aujourd’hui, quand ça va mal, d’être les premières à payer les pots cassés.
En handball par exemple, il y a des clubs féminins à part entière, c’est comme ça qu’ils se sont construits, et ça leur offre une indépendance qui me semble intéressante à explorer. Des pistes, il y en a. Encore faudrait-il prendre la peine de s’y pencher, et pas de faire comme si le sport féminin n’existait pas.