Sous le coup d'un mandat d'arrêt international et accusé de viol par deux Suédoises, Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, vit reclus à l'ambassade de l'Equateur à Londres.
Un blond singulièrement blanc, comme peroxydé. Des yeux de fouine, enchâssés dans un visage poupin. Un aspect paradoxalement juvénile et prématurément vieux. Un air, à la fois, doux, faussement innocent, narquois, vénéneux et flippant. Une tête à jouer un tordu cruel dans un James Bond ou un serial killer insoupçonnable dans un thriller scandinave. Une tête, dérangeante, pas ordinaire avec une peau diaphane, dépolie… Les gènes, naturellement, mais sans doute aussi une grosse carence en fer. L’absence de lumière naturelle qui a accentué une apparence spectrale, qui le caractérisait déjà enfant. Un fantôme enfermé dans une ambassade de Londres depuis bientôt 5 ans.
Un fantôme capable, auparavant, de traverser les murs et les pare feux des sites les mieux sécurisés du monde, de se procurer les secrets, prétendument, les plus verrouillés de la planète. Julian Assange, 46 ans dans quelques mois, un homme à faire taire. A Neutraliser, selon la terminologie convenue des services de renseignement. Un verbe extensif allant de l’arrestation à l’élimination. Un fantasme pour les généraux du Pentagone qui n’ont jamais digéré que le fondateur de WikiLeaks publie en 2010 leurs carnets de guerres, les archives secrètes de leurs péripéties Afghanes et Irakiennes, les bavures et les saloperies de leurs soldats.
Assange, un ennemi de l’Amérique et l’épouvantail de tous les voyous du capitalisme international, ces banquiers magouilleurs, blanchisseurs suisses et islandais, dont Assange a révélé les tricheries et l’amoralité au “vulgum-pecus”, le commun des mortels, celui-là même qu’Assange a voulu affranchir en créant WikiLeaks, il y a un peu plus de 10 ans. Son combat, son utopie : corriger l’asymétrie de l’information entre les puissants et la multitude ignorante, histoire, pour lui, de rétablir l’équilibre, la justice et la liberté.
Un redresseur de torts, Don Quichotte moderne, un Messie Libertaire pour certains. Un parano taré, pervers narcissique, un danger public pour les autres. Julian Assange ne laisse personne indifférent : on l’adore ou on l’abhorre. L’Australien s’en fiche. Pourvu qu’on parle de lui. Un égo gros comme ça. Non, seulement le besoin naturel d’être reconnu explique sa maman, Christine, qui n’a pas peut-être pas tout fait, autrefois, pour assurer le meilleur équilibre à son fils chéri.
Une enfance hors normes. Un père biologique inconnu. Un beau-père qui lui donnera son nom : Assange. Et un demi-frère, une famille de baladins, des comédiens ambulants et hippies avec lesquels Julian traversera toute l’Australie des années 70. Sa mère s’amourachant facilement de beaux inconnus au gré des pérégrinations de la tribu. Elle partira, ses fils sous le bras, avec l’un d’entre eux, membre influent d’une secte que Julian et sa maman et son petit frère passeront ensuite, des années à fuir. 37 écoles en 18 ans et 6 universités dans la foulée. Une passion pour l’informatique, la philosophie et les neurosciences, le goût du secret, de Kafka, de Koestler, et des femmes : le talon d’Achille de Julian Assange…
Avant les 2 jeunes suédoises dont il aurait abusé, une histoire aux airs de fable de la CIA, Assange en a séduit beaucoup. Son intelligence prodigieuse, son charme reptilien. Dès la fin de son adolescence, une australienne, lui donnera un fils, Daniel qui fêtera cette année ses 28 ans. Plus tard, une histoire d’amour avec une Française, dont il aura un autre fils. On ne sait rien d’eux, secret absolu.
Une question de sécurité, l’obsession de cet ancien hacker qui a passé sa jeunesse à la craquer. Jamais deux nuits au même endroit. Un jour en Australie, le lendemain en Norvège, au Kenya ou ailleurs. Son site dans sa valise, aucun bureau, WikiLeaks serait là où se trouverait son créateur, son contenu conservé dans une vingtaine de serveurs disséminés aux quatre coins du monde. Pour démanteler WikiLeaks, il faudrait, selon la légende, démonter tout Internet.
Génial. C’était le compliment préféré d’Assange, il y a quelques années. Depuis le temps l’a fané. Plus le goût à grand-chose… Ses jours et ses nuits dans un placard de 43 mètres carrés. Parfois quelques visiteurs : Pamela Anderson, Eric Cantonna, Jean-Luc Mélenchon ou Lady Gaga… Des invités surprenants le temps d’une tasse de thé. La porte de l’ambassade d’Equateur s’est refermée. A la fenêtre, une ombre, de moins en moins blanche, de plus en plus sombre.