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Le mystère reste entier, mais la madone Lupita et sa relique ont donné aux peuples du Mexique une raison de s'unir. 

On n'a jamais su d'où elle était sortie, une drôle de vierge, ni blanche ni noire, une vierge métisse. Une étrange déesse à la peau bronzée, aux cheveux noirs de jais coiffés à l'aztèque. Une tenue bleu-vert constellée de fleurs et d'étoiles d'or : une inconnue dans l'imagerie chrétienne de la Renaissance. On tient son portrait d'une tunique, son visage a été fixé sur le manteau que portait Juan Diego, le paysan indien qui la vu un jour de Décembre de l'an de grâce 1531. Une apparition sur le mont Tepeyac, une colline de Tenochtitlan, l'ancienne capitale de l'empire aztèque, devenue Mexico sous l'épée sanglante de Hermann Cortes et de ses conquistadors. Le pays soumis, l'or pillé, le serpent à plumes brûlé, comme tous ses autres frères Nahuas, Juan Diego a abjuré ses idoles et s'est converti au christianisme. Pas le choix, c'était le crucifix ou la mort.

Le berger a 57 ans, nous sommes le 9 Décembre 1531. Cet hiver, la terre du mont Tepeyac est toute dure. Juan Diego se rend au marché comme souvent, quand une voix l'interpelle par son prénom. Il se retourne et là elle apparaît : une jeune dame brune éblouissante de lumière. Le pauvre bougre croit halluciner, elle lui demande de bâtir un temple pour recueillir les pleurs des Indigènes. Le berger tout chamboulé fonce vers l'évêque, qui n'en croit pas un mot. Quelques jours plus tard il se rend chez un vieil oncle qui est en train de mourir. Pour éviter de la croiser, il change de chemin. Cela n'y fait rien, la dame lui apparaît encore. Il lui explique que l'évêque n'a pas cru à leur rencontre. La dame va lui donner une preuve : des roses qui fleurissent par miracle sur la colline en plein hiver. Juan les recueille délicatement dans son manteau, le primat espagnol est bouleversé. Sur le fond de la tunique, une madone est inexplicablement imprimé dessus. Un tissu intact 485 ans plus tard, un phénomène incroyable pour une tunique faite de chanvre et d'agave qui aurait du être détruite par le temps. Un tissu miraculeusement reconstitué après une brûlure d'acide accidentelle au 18ème siècle, et qui est sortie indemne d'un attentat à la dynamite d'un anarchiste. La tunique a été examiné sous toutes les coutures par des experts du monde : impossible d'expliquer la nature des pigments de l'impression de la dame qui ne comporte aucune trace de pinceau. La température de la relique conserve en permanence celle du corps humain. Il y a aussi le regard de cette femme d'une stupéfiante humanité.

En grossissant ses yeux plusieurs milliers de fois, on y découvre parait-il des silhouettes, dont celle de Juan Diego et de l'évêque. Les détracteurs du merveilleux voient dans cette icône une supercherie pour embobiner les Aztèques qui s'accrochaient à leur divinité païenne. Au delà des controverses, la vierge de Guadalupe, Lupita la petite mère, est celle qui rassemble les Mexicains depuis un demi-millénaire. Portée par les guérilleros de Zapata en étendard, la vierge métisse aura réussi l'alliance entre les idoles des uns et le dieu des autres, entre les cultures anciennes et les traditions d'aujourd'hui. Un miracle sans doute, une belle histoire assurément.