Chaque jour, Vincent Hervouet traite d’un sujet international.
Jour historique à Cuba. Raoul Castro cède la place à la tête de l’Etat.
C’est fascinant car se réalise une prophétie qui a traversé les âges. Une devinette qui remonte aux débuts des années 60, quand la révolution cubaine restait une énigme. Qu’elle n’avait pas encore été mise en coupe réglée par les communistes et leurs alliés Soviétiques. Quand Castro n’avait pas encore étranglé Fidel. On disait : "Quand est ce que les frères Castro vont laisser le pouvoir ?". Et la bonne réponse, c’était : "en avril !". Mais on ne précisait jamais en avril de quelle année.
Peut-être que Raoul Castro a songé à cette vieille blague communiste en programmant son remplacement à la tête du Conseil d’Etat ? Ou peut-être qu’il s’est contenté de commémorer le 19 avril ? C’est aujourd’hui l’anniversaire du débarquement raté d’un millier d’exilés cubains à la Baie des Cochons. Leur fiasco a donné une légitimité à la militarisation du régime et à l’embrigadement idéologique de tout un peuple.
Six décennies après, est ce que l’heure du changement est venue ?
Le suspense est intense. Est-ce que les 605 députés du parti unique qui ont été désignés par les organisations de masse, vont désigner à une écrasante majorité le Premier vice-président, le camarade Miguel Diaz Canel ou bien le numéro du gouvernement, le ministre Diaz Canel Miguel. Oui, c’est bien le même !
Qu’est-ce qu’on sait de lui ?
Les Cubains l’appellent Senor nadié, mister nobody, son nom est personne. On se moque de cet apparatchik couleur muraille qui était le factotum de Raoul Castro. S’il a réussi à se hisser si haut dans l’appareil, c’est qu’il s’est tenu à l’abri de toute gloire. Afficher sa médiocrité rassure les gens en place. D’ailleurs, il prône le "besoin de continuité", c’est le gage qu’il ne touchera à rien. Il dit aussi qu’il faut "continuer à lutter contre l’impérialisme", le programme justifie par avance toutes les pénuries, toutes les tyrannies. En fait, il y a deux choses à noter dans sa biographie. Son âge, 59 ans, il est né après la révolution. Et c’est un civil.
On se dit que la génération qui a connu le maquis passe la main. Evidemment, on se trompe.
Comment cela ?
Raoul Castro va rester Premier secrétaire du Parti communiste, jusqu’en 2021. Il aura alors 90 ans. L’âge de son frère Fidel quand il a enfin été démobilisé en mourant dans son lit. Donc, jusqu’en 2021, le Président Miguel Diaz Canel sera dans la vitrine, mais il servira de doublure, la réalité du pouvoir restera entre les mains de Raoul. C’est un grand classique du système colonial.
Cela fait partie des mystères de la Caraïbe. Dans l’ile d’à côté, en Haïti, grâce au Vaudou, personne n’est surpris de croiser dans la rue quelqu’un qu’on a enterré la veille. A Cuba, grâce au Parti communiste, on n’est pas étonné que les Castro continuent de régner alors qu’ils prônent la révolution depuis trois générations. Après Fidel, Raoul. Après Raoul, Raoul. Et puis derrière Raoul, il y a son fils Alejandro. Sa fille Mariela. Son gendre Luis Alberto Rodriguez Lopez-Callejas. Son petit-fils, Raoul Guillermo. Tous aux avant-postes. Pour que tout change mais que rien ne bouge.
Il faudra bien que sonne l’heure de la transition.
En attendant le contrôle social est toujours aussi étouffant. Sur le plan économique, les lois sur la propriété et le commerce se sont durcies, les réformes à la chinoise ont tourné court. La détente avec les Etats Unis a été une parenthèse qui s’est refermée avec l’élection de Donald Trump. Du coup, la date que guettent les Cubains, ce n’est pas aujourd’hui. C’est le 6 novembre, les élections du "mid term" aux Etats Unis et l’éventuelle victoire des démocrates au congrès.