Il est devenu le symbole de la violence antisémite. Le 13 février 2006, Ilan Halimi est retrouvé agonisant en banlieue parisienne, torturé à mort par le "gang des barbares", mené par Youssouf Fofana, un homme de 25 ans aux préjugés antisémites tenaces. Pendant trois semaines, le jeune homme, vendeur dans une boutique de téléphonie, a été séquestré et torturé dans un appartement puis dans la chaufferie d'un immeuble de la cité de la Pierre-Plate, à Bagneux.
>> Europe 1 s’est rendu dans cette cité où les souvenirs de l’enlèvement d’Ilan Halimi demeurent pesants.
"Le souvenir revient". Le 20 janvier, le jeune homme de 23 ans dîne chez sa mère, comme tous les vendredis. Il honore ensuite son premier rendez-vous avec Yalda, une jeune femme rencontrée boulevard Voltaire, dans la boutique de téléphonie où il travaille. Après avoir pris un verre avec elle, il accepte de la suivre dans son studio de la banlieue sud de Paris. Arrivé à destination, Ilan Halimi est extirpé de sa voiture par des individus qui le rouent de coups, l’assomment et le jettent dans le coffre d’un 4X4, direction la cité de la Pierre-Plate, à Bagneux, dans le sud de Paris.
Derrière la porte de l'appartement 133, où ont commencé les souffrances d'Ilan Halimi, les nouveaux occupants ne souhaitent pas s'exprimer. Les faits, bien que vieux de dix ans, sont encore trop pesants pour être verbalisés. Suzanne, elle, vivait déjà là il y a dix ans, dans l'appartement situé juste au-dessus. Elle n'arrive pas à évacuer le souvenir ineffable de ce drame. "Quand on passe devant, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il y a eu un drame", réagit-elle au micro d’Europe 1. "On l’a martyrisé. Quand ça se passe dans votre immeuble, juste en dessous, sous vos pieds, sous vos têtes, vous vous dites ce n’est pas possible. C’est sûr que le souvenir revient. Tout le monde a été touché par ce drame", constate la riveraine.
"Ils en ont parlé à l’école". Pendant trois semaines, Ilan Halimi est séquestré, torturé, humilié, au troisième étage du 1, rue Serge-Prokofiev à Bagneux. Ce drame, qui se joue dans le huis clos de la cité, reste présent dans toutes les mémoires. A tel point que même les plus jeunes ont entendu parler de ce "gang des barbares". Même ceux qui n'étaient pas nés au moment des faits.
Mariam s'en est aperçue en discutant avec son fils de 9 ans. "Il est venu me voir un jour, en me disant : ‘qu’est-ce qui s’est passé ici ? Pourquoi on parle du gang ?’ Je lui ai répondu : ‘quel gang ?’ Il a ajouté : ‘il s’est passé quelque chose ici ? On me dit qu’ici, on vit dans la cité du gang des barbares.’ Il a employé ce mot-là", se souvient la mère de famille. "C’est forcément qu’ils en ont parlé à l’école. Je lui ai dit qu’on allait en reparler mais que, pour l’instant, je ne voulais pas l’entendre parler de ça", raconte-t-elle au micro d’Europe 1.
Dix ans après, même la haine envers les complices de la torture d’Ilan Halimi reste vive, confie un autre voisin. Un ressentiment auquel s’ajoute un sentiment de culpabilité toujours présent. Celui de ne s'être rendu compte de rien, de n'avoir perçu aucun bruit au cours des 24 jours de séquestration et de tortures subies par Ilan Halimi.