Pendant près de deux décennies, il a détourné les deniers de l’Eglise sur ses comptes bancaire. Un ancien curé ariégeois, "avare" ou simplement soucieux d'assurer ses vieux jours, attend mardi son jugement par le tribunal correctionnel de Foix. Poursuivi pour "abus de confiance", il était jugé, le mois dernier, pour le détournement de plus de 750.000 euros de dons des fidèles. Lors de son procès, le vieil homme d'église, hospitalisé, n'était pas là pour voir la salle comble, dont une bonne dizaine de paroissiens incrédules venus dénoncer "un acharnement" contre leur ancien curé.
Un abbé aux 18 comptes bancaires. Toute l'affaire a été découverte en mars 2013, quand l'abbé René Heuillet, en charge de dix paroisses, a été mis à la retraite d'office pour problèmes de santé. Son successeur a alors retrouvé un sac rempli de pièces caché dans un recoin de la sacristie. Après dénonciation, une enquête a été ouverte. Les gendarmes ont alors découvert les 18 comptes bancaire de l’abbé.
Dans le détail, les enquêteurs mettent au jour des placements pour un montant de près de 600 000 euros, des assurances-vie au nom de la sœur et du neveu de René Heuillet depuis 2002. Ils ont également saisi un coffre plein de pièces d'or et de dollars américains. Placé en garde à vue, le curé reconnaît d’emblée avoir "agi dès son arrivée sur la paroisse" par "souci de ne pas manquer lorsqu'il serait âgé", a déclaré la présidente du tribunal, Isabelle de Combettes de Caumon, se référant aux dépositions du prévenu.
Il surfacturait les enterrements. Lors de son procès, l'abbé René Heuillet, 80 ans, a reconnu avoir encaissé personnellement, de juillet 1987 à février 2013, pour près de 655.000 euros de dons et d'offrandes ainsi que 106.000 euros de bénéfices des ventes de bougies votives. Au total, le détournement, alors qu'il était curé de Saint-Lizier, s’élève à 761.000 euros.
L’abbé a même détaillé la méthode qu’il avait mise en place dans les paroisses où il officiait. "Sur la quête des messes, je prenais les billets pour moi et je faisais remonter les pièces à l’association diocésaine", a-t-il expliqué. Pour récupérer de l’argent sur la vente des bougies votives, il en achetait auprès d’un grossiste sur ses propres deniers, avant de les revendre aux paroissiens, en gardant les bénéficies pour lui. Une magouille particulièrement juteuse, surtout à la cathédrale de Saint-Lizier, visitée par les très généreux pèlerins du chemin de Compostelle. Les baptêmes, les enterrements et le catéchisme, étaient, eux aussi, surfacturés de 50 à 100 euros.
La banque n’a rien vu ? Ce procès a également mis en lumière le déni collectif des personnes qui entouraient l’abbé, notamment ses conseillers financiers. Les banquiers et l'administration fiscale semblent en effet n’avoir rien vu. Le prêtre déclarait au fisc son traitement de 790 euros par mois ainsi qu'un revenu sur capitaux pour tous les placements, ce qui lui valait chaque année un crédit d'impôt. Le banquier pouvait, lui non plus, difficilement ignorer les sommes colossales amassées sur les comptes du modeste prêtre.
Il promet la restitution de près de 500.000 euros. "Ici pas de trésor enfoui, pas de liasses de billets, pas de compte à l'étranger, pas de Ferrari, ni de dépenses somptuaires, l'argent est là", a pourtant plaidé pourtant l'avocate de l'abbé Heuillet, Me Karine Briene, en réclamant une relaxe partielle. "Il ne se soustrait pas à la justice, il se laisse littéralement mourir", a-t-elle dit du vieil homme malade. "Il est accablé par le remords et par cette injustice" car la mort de son père en 1944, quand il avait 9 ans, avait laissé une famille de sept enfants "dans la misère". Elle a promis la restitution de 474.366,76 euros, correspondant au détournement, sans les offrandes données personnellement au prêtre par ses fidèles. "Cet argent, l'abbé faisait comme s'il ne l'avait pas. Il l'a gardé par peur de manquer", a ajouté l'avocate, accusant l'Eglise de tenter ici "de s'enrichir sur le dos de l'abbé".
Trois ans de prison avec sursis requis. "Difficile d'être miséricordieux" même pour l'enfant du pays apprécié pour ses prêches, a, de son côté, martelé le procureur René Hébert, en dénonçant le "stratagème" mis en place, au fil des ans, par le prêtre pour "tromper les fidèles" et le cacher au diocèse. "Cela correspond à un détournement de 30.000 euros par an, excusez du peu", a lancé le procureur, "un homme d'Eglise se doit d'être exemplaire", a-t-il ajouté, en réclamant trois ans de prison avec sursis, 375.000 euros d'amende et la restitution des fonds détournés.