A320 : que sait-on du scénario du crash ?

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Louis Hausalter avec Guillaume Biet et agences , modifié à
DRAME - L'appareil de la compagnie Germanwings, qui s'est écrasé mardi dans les Alpes-de-Haute-Provence, avait entamé une descente dix minutes avant le crash, sans contacter le contrôle aérien.

MISE A JOUR. Notre papier a été clôturé jeudi à 12h30 avant la conférence de presse du procureur de la République de Marseille. Celui-ci a révélé que la piste d'un acte volontaire du co-pilote, seul aux commandes au moment du crash, était privilégiée. Il a ainsi évoqué une volonté de "détruire l'appareil".

Pour en savoir plus sur le scénario du crash : le co-pilote était seule aux commandes au moment du crash

Que s'est-il passé mardi entre 10h30 et 10h53, heure du crash de l'Airbus A320, transportant 150 personnes ? Une enquête a été ouverte par le parquet de Marseille, désormais chargé de déterminer les circonstances de ce crash survenu dans la vallée de la Blanche, entre Digne et Barcelonnette, dans les Alpes-de-Haute-Provence. L'analyse de l'une des boîtes noires, retrouvée mardi et envoyée au Bureau d'enquêtes et d'analyses à Paris, devrait permettre d'en savoir plus sur les circonstances du drame.

 L'appareil de la compagnie low cost de la Lufthansa a décollé de Barcelone à 10h01, pour rejoindre Düsseldorf, dans le nord de l'Allemagne. La Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a indiqué avoir déclaré le vol en détresse vers 10h30, alors qu'elle n'avait plus aucun signal radar de l'appareil, ni contact avec l'équipage. La chute de l'avion "a duré dans l'ensemble huit minutes" et le contact avec l'appareil "a été perdu à 10h53 à une hauteur de 6.000 pieds", selon un dirigeant de la compagnie, Thomas Winkelmann.

L'appareil a perdu 10.000 mètres d'altitude en moins de dix minutes. Les données communiquées par le transpondeur, cet appareil qui transmet des informations en temps réel sur la position d'un avion, permettent de reconstituer les derniers instants du vol. La courbe d'altitude montre que l'A320 a chuté en dix minutes de 37.000 pieds à moins de 6.000 pieds. Autrement dit, il a perdu 10.000 mètres d'altitude en une dizaine de minutes.

Crash parcours A320 AFP

© M.Zaba/J. Bonnard/A.Bommenel, jub/abm/fh / AFP

Pas de signal de détresse émis. "L'équipage n'a pas émis de 'mayday' (appel de détresse). C'est le contrôle aérien qui a décidé de déclarer l'avion en détresse car il n'avait plus aucun contact avec l'équipage et l'avion", selon la Direction générale de l'aviation civile. "C'est la conjonction de la perte de contact radio et de la mise en descente qui a conduit les services de contrôle à déclencher la phase de détresse" à 10h30, a-t-elle expliqué. Ce silence de l'appareil reste l'un des éléments les plus étranges de ce crash, selon Bernard Chabbert, consultant aéronautique d'Europe 1. "On ne quitte jamais son altitude de vol sans avoir prévenu le centre de contrôle de la navigation aérienne", explique-t-il.

>> L'analyse de Bernard Chabbert, consultant aéronautique d'Europe 1 :

L'ancienneté de l'avion a-t-elle pu être un facteur de l'accident ? Cet A320, qui assurait une liaison régulière entre Düsseldorf, en Allemagne, et Barcelone, en Espagne, était en service depuis 24 ans. Mais ce n'est pas l'âge de l'avion qui détermine son degré de fiabilité et de sécurité. Dans l'aviation légère, certains appareils datent de la Seconde Guerre mondiale et sont aussi fiables que les avions de dernière génération. Tout dépend de leur maintenance. Dans le cas précis, l'appareil avait subi une grosse révision "à l'été 2013", a indiqué un dirigeant de la compagnie, Thomas Winkelmann. "Une visite de type C, soit une grande révision, avait eu lieu comme prévu à l'été 2013", a-t-il précisé lors d'une conférence de presse. Ce dernier a également indiqué que le pilote du vol avait "plus de dix ans" d'expérience et "plus de 6.000 heures de vol" à son actif.

Un pilote est resté bloqué hors du cockpit. Les investigations ont connu un premier développement d'importance jeudi avec l'analyse des données de la première des deux boîtes noires de l'appareil, retrouvée dès mardi sur les lieux du crash. Un des deux pilotes de l'avion se trouvait bloqué hors du cockpit au moment de la chute vertigineuse de l'appareil, a révélé jeudi le New York Times.

C'est ce qui ressort des écoutes des enregistrements extraits de ce dispositif, le "cockpit voice recorder" (CVR) qui enregistre tous les sons de la cabine de pilotage, par les experts du bureau enquête et analyse (BEA). Il permet d'entendre les conversations entre le commandant de bord et le pilote, mais aussi tous les sons et annonces entendus dans la cabine de pilotage, ou les alarmes qui ont pu éventuellement retentir. Le procureur de Marseille a annoncé peu après ces révélations qu'il tiendrait une conférence de presse à 12h30. La seconde boîte noire, le "flight recorder", qui contient les paramètres de vol et les informations techniques de l'avion enregistrées jusqu'à l'impact, est toujours recherchée par les enquêteurs.

Quels scénarios possibles ? Bernard Chabbert, le consultant aéronautique d'Europe 1, explique que "de l'intérieur" de la cabine de pilotage, "on peut verrouiller la porte blindée qui sépare le poste de pilotage de la cabine des passagers". Il existe un digicode qui permet de rentrer dans le cockpit à partir de l'extérieur à l'aide d'un code "que seuls les pilotes connaissent". Mais à l'intérieur de la cabine de pilotage, il y a "un loquet" qui peut bloquer l'ouverture de la porte blindée.

Pour Bernard Chabbert, deux scénarios sont possibles. Première possibilité, "le pilote resté dans le cockpit a eu un malaise pendant que son collègue est probablement allé aux toilettes". Mais l'inconscience d'un pilote aux manettes "explique-t-elle pour autant la mise en descente de l'avion ?", s'interroge-t-il. "C'est ça le point critique", souligne-t-il. L'autre possibilité est le suicide. "Il y a déjà eu deux cas d'avions pris en main par des pilotes restés seuls au cockpit qui sont allés jusqu'au sol", rappelle l'expert. Mais "dans ces deux cas", "les pilotes avaient débrayé le pilote automatique, pris les commandes manuelles et précipitait l'avion dans une descente verticale, ce qui n'a pas été le cas dans cet accident", explique à Europe 1 Bernard Chabbert.

"Toutes les hypothèses existent". "A ce stade nous considérons qu'il s'agit d'un accident et toute autre chose relèverait de la spéculation", a déclaré mardi Heike Birlenbach, vice-présidente de la compagnie Lufthansa pour les ventes et services en Europe, lors d'une conférence de presse à Barcelone. "Toutes les hypothèses existent à partir du moment où on ne connaît pas la vérité, mais à cette heure, le travail qui est fait ne privilégie pas l'hypothèse d'intrus ou d'un attentat", a affirmé pour sa part Alain Vidalies, le secrétaire d'Etat aux Transports, mercredi sur Europe 1.

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