Il était dans cette petite pièce où a déboulé le tireur. Laurent Léger, journaliste à Charlie Hebdo, a survécu au carnage. Autour de lui, neuf personnes ont péri. Les trois autres victimes se trouvaient hors des locaux de l'hebdomadaire. Il raconte que dans les premiers instants, "on n'y a pas cru". Après avoir "entendu au travers de la porte des détonations, […] on a très vite changé de registre".
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"Ca n'est plus du tout de la blague". Quand un grand homme cagoulé déboule dans la pièce, Laurent Léger se rend compte que "là, ce n'est plus du tout de la blague", dans une rédaction à l'esprit d'habitude potache. Le tireur a dit "Allahou Akbar, au moins deux fois", puis le survivant se rappelle de "détonations", de "l'odeur de poudre et un chaos indescriptible pendant quelques secondes, qui m'ont parues très très longues". Le journaliste a pu se cacher derrière une table. Aujourd'hui, il pense à "ceux qui étaient autour de la table et qui n'ont pas eu la chance comme moi d'être placé de façon à pouvoir se jeter dans un coin".
L'agresseur n'a pas nommé chacune des personnes présentes à cette conférence de rédaction, mais "il a mentionné le nom de Charb. Il le cherchait évidemment", se souvient Laurent Léger. "A part Charb, il n'a demandé nullement l'identité des uns et des autres, il a juste tiré".
Laurent Léger : "c'est bon on les a tous tués"par Europe1frCharlie Hebdo sous protection. Le directeur de la publication, tué dans l'attaque, vivait depuis au moins trois ans sous protection policière. Récemment, la voiture de police en faction au pied de l'immeuble où se trouvait la rédaction de l'hebdomadaire n'était plus postée de manière systématique. Mais pour Laurent Léger, cela n'aurait rien changé : "Pour tout vous dire, s'il y avait eu une voiture de police en bas, ils auraient fait quoi, les tireurs ? Ils auraient buté deux flics de plus. Je ne pense pas que cela les aurait dissuadés."
"On a perdu le rire". Sous le choc, Laurent Léger se dit "très entouré". "Je suis dans l'action, là", dit-il, même si lui et les autres survivants de Charlie Hebdo se retrouvent "tout à coup très seuls". "On a perdu Charb, qui était notre emblème", se désole-t-il, ajoutant qu'"on a perdu les autres qui sont de grands amis, de grands talents, des gens magnifiques". Pour le journaliste du l'hebdomadaire satirique, l'humour aussi fait partie des victimes : "On a perdu le rire. J'espère qu'on ne l'a pas perdu complètement, mais là, c'est vrai qu'on a moins envie de rire". Laurent Léger veut trouver la force de relancer Charlie Hebdo, qui doit paraître mercredi prochain, mais il doute : "Est-ce qu'on va réussir à le faire ? Je ne sais pas. Je ne sais pas si on peut rire vraiment, là…"