"Quand je suis arrivée à l'entrée du magasin, j'allais rentrer dans les rayons. J'ai tourné ma tête vers la gauche, tout de suite à l'entrée. Je suis tombé sur le cadavre d'une personne, assise, la tête penchée. J'ai eu l'impression d'être dans un mauvais film". Sophie, qui a accepté de témoigner au micro d'Europe1 lundi, se considère comme une "miraculée". Elle était dans l'Hyper casher de la Porte de Vincennes, vendredi vers 13 heures. Elle a assisté de l'intérieur à la prise d'otages qui s'est soldée par la mort de cinq personnes, dont le tireur Amédy Coulibaly.
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"Il lui a mis une balle". "Le temps que je réalise ce qui se passe, j'ai levé la tête, en face, et j'ai vu le terroriste qui m'a dit : 'Tu rentres tout de suite !' Il était armé jusqu'aux dents, avec deux Kalachinov. Je n'ai pas pu faire marche arrière, j'étais vraiment à l'entrée, j'ai dû rentrer", raconte Sophie. Au total, la prise d'otages a duré quatre heures. Quatre heures de cauchemar pour Sophie et les autres otages.
"Une personne a voulu partir : il lui a tiré dans le dos. […] Coulibaly a posé une de ses armes automatiques. Le jeune homme qui était en face a pris le fusil d'assaut et a voulu lui tirer une balle, lui a été plus rapide et il lui a mis une balle dans la gorge. Le pauvre jeune homme est tombé...", se souvient Sophie en sanglots. Au bout de quelques temps, Amédy Coulibaly lui demande d'aller chercher les clients qui s'étaient réfugiés en bas, dans la chambre froide.
"Il y avait un enfant de trois ans". "Malheureusement, il y avait un père avec son enfant de 3 ans. Je dis malheureusement parce que, du coup, je me suis dit que j'ai fait monter un enfant de 3 ans, c'est une horreur. Dans l'autre chambre froide, on n'a pas réussi à ouvrir, ils ne répondaient pas. J'ai dit : 'Laissez tomber, on dira qu'il n'y a personne'", se rappelle la témoin. Sophie se souvient aussi avoir dû empêcher le père de famille de risquer sa vie, devant son enfant. "Dans l'escalier, le papa du garçon est monté avec un extincteur, et il commençait à le dégoupiller. Il me dit : "Je dégoupille, je vais le mettre sur lui.' J'ai dit : 'Vous ne faites rien' ! Il vient d'en descendre un devant moi, vous ne faites rien !"
"Fanatique, pas illuminé". Amédy Coulibaly l'a soutenu dans une conversation avec BFMTV : il s'est entraîné auprès de l'Etat islamique, et se revendique de l'organisation islamique. C'est ce qu'il a dit également aux otages. "Il a dit : 'Je suis du Daech', de toute façon, il n'avait qu'une idée, c'était mourir en martyr. Il nous a dit clairement que les juifs financent Israël, que ça suffisait, que le Daech allait arriver. Ce n'était pas un illuminé. C'était quelqu'un d'endoctriné certainement, un fanatique, mais ce n'était pas un illuminé", estime Sophie.
"Il faut y aller". Vers 17h15, la charge est donnée par le GIGN. Plusieurs explosions se font entendre, puis des coups de feu. Amédy Coulibaly est abattu et les otages libérés. Ca aussi, Sophie s'en souvient. "Ca a pété, d'un seul coup. Quand ça a pété, ça a pété de derrière, donc on s'est tous précipités, à essayer de se cacher quelque part. Ce que j'ai vu, puisque j'étais à côté de la sortie avec plusieurs autres cachés derrière les caisses, petit à petit le rideau de fer est monté. Et là, je me suis dit : 'Il faut y aller, il faut partir'."