Des coups de feu et une course-poursuite avec les frères Kouachi ont eu lieu vendredi matin sur la nationale 2, au nord-est de Paris, près de 48 heures après le massacre perpétré mercredi contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. Une prise d'otage dans une entreprise de la commune de Dammartin-en-Goêle est en cours, avec au moins une personne retenue. Europe 1 a reçu plusieurs récits de témoins actuellement sur place.
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"J'ai entendu deux coups de feu". "Il y a à peu près une heure et demi de ça, j’ai entendu deux coups de feu", rapporte à Europe 1 Mohamed qui se trouve dans la zone industrielle où a lieu la prise d'otage. Il a vu dans la foulée arriver les forces de l’ordre qui "ont quadrillé tout le périmètre" et "ont bloqué la route des deux côtés". "On a eu des hélicoptères par la suite", ajoute-t-il. Avec ses collègues, il applique les consignes : "éteindre les lumières", "rester à l’intérieur" et "surtout", "ne pas se mettre vers les fenêtres".
Nicolas, salarié dans la zone industrielle, est arrivé en retard ce matin au travail mais il est en contact par texto avec ses collègues "qui ont été déplacés par mesure de sécurité, en compagnie du GIGN". "Calme" et "solidarité" règnent dans le groupe, apprend-t-il à Europe 1. Mais "ils sont très inquiets car il y a une femme enceinte dans l'équipe qui a fait un malaise ce matin", après avoir appris la prise d'otage.
"J'ai ordre de ne rien dire". Europe 1 a réussi également à joindre au téléphone un salarié actuellement retranché dans un entrepôt de la zone industrielle. Il peut difficilement s'exprimer. En chuchotant, il dit avoir entendu des coups de feu sans avoir rien vu. Il n'a pu que répéter plusieurs fois "avoir reçu ordre de ne rien dire", avant de raccrocher.
"Les enfants vont bien, ils regardent un DVD". Une école primaire, située non loin du lieu de la prise d'otage, retient par sécurité les enfants. Fabrice, un parent, rapporte à Europe 1 un texto que l'enseignante de son fils lui a envoyé : "Nous sommes confinés et protégés, nous restons là jusqu'à ce que tout soit terminé". L'enseignante précise dans son SMS que "les enfants vont bien, ils regardent un DVD, dessinent et jouent aux cartes". Le papa a aussi appris d'une gendarme en faction que les élèves "allaient être évacués par bus pour être regroupés dans un gymnase", où les parents pourront récupérer leurs progénitures. "Mais aucune information sur le timing", précise-t-il.
Aurélie, mère de famille, attend aussi le feu vert pour aller récupérer sa fille. Dans son établissement scolaire, "tout est fermé", rapporte-t-elle à Europe 1. L'école, jointe par téléphone, lui a appris que "les enfants sont confinés dans une salle, volets et portes fermées".
Des lycéens qui font "des malaises". Des lycéens de la commune ont aussi reçu l'ordre de rester dans leur établissement, situé non loin du lieu de la prise d'otage. Mégane, lycéenne, rapporte que des camarades "font des malaises" et un d'entre eux "convulse" même. Elle décrit aussi des professeurs "en panique". Ils n'ont pas le droit de rester à proximité des fenêtres : "on a une cafétéria mais comme il y a des fenêtres, on nous a demandé de sortir dehors" où les lycéens ont été regroupés.
"J'essaye de rassurer ma mère". Dominique, qui habite à une centaine de mètres de l'entrepôt où a lieu la prise d'otages, a reçu l'ordre d'un gendarme de fermer ses volets. Ce matin, "à 9 heures piles", "trois hélicoptères nous ont réveillé en passant ras de la maison", relate-t-il à Europe 1. "Ma femme a cru que c'était un avion qui s'écrasait", ajoute-t-il.
Rosalie et son fils, Sylvain, vivent, eux, juste derrière l'entrepôt où son retranchés les frères Kouachi. "J'ai voulu sortir, mais la gendarmerie m'a strictement interdit de sortir de chez moi, on ne peut rien faire", relate à Europe 1 Sylvain. Il essaye de "ne pas penser aux tirs" et se protège derrière ses volets "fermés". "Je ne réalise pas vraiment... je suis avec ma mère et j'essaye de la rassurer", explique-t-il.
Un autre riverain de Dammartin, évacué de son domicile par les forces de l'ordre vendredi après-midi, explique à Europe 1 les consignes qu'il avait reçu : "Il ne fallait pas monter à l’étage, ne pas filmer, ne pas téléphoner, ne pas faire rentrer les journalistes à intérieur de la maison". Il décrit une "armada". "Ils ont des fusils avec lunettes, tout est prêt quoi", ajoute-t-il.
"J'ai serré la main d'un des terroristes". Didier, commercial, avait rendez-vous ce vendredi matin dans l'entreprise CTD Dammartin où a lieu la prise d'otage. Il raconte à France Info qu'il a rencontré et serré la main d'un homme qui se révélèrait être un des terroristes : "Quand je suis arrivé, mon client est sorti avec une personne armée qui s'est présentée comme étant de la police". Didier a décrit l’usurpateur : un "gilet pare-balles", "un gilet noir" et "un fusil", comme serait vêtu "un policier en intervention".
"Devant la porte de l'entreprise, j'ai serré la main de Michel et d'un des terroristes", rapporte-t-il. Puis, "mon client m'a demandé de partir, donc je suis parti". La personne qui s'est présentée comme étant un policier lui a alors dit : "Bah écoutez, partez, de toute façon, on ne tue pas les civils". Ces paroles qui ont interpellé Didier l'ont poussé à "appeler la police dans la foulée".
Un "vol de voiture" et "une institutrice sous le choc". Quelques heures avant la prise d'otages, tout avait commencé par le vol d'un véhicule. "Ils ont d’abord arrêté une voiture pour la prendre et ont fait descendre la conductrice pour prendre le véhicule", raconte à Europe 1 Jean-Paul Douet, le maire de Montagny-Sainte-Félicité, la commune où les frères Kouachi ont volé une 206 grise vendredi matin, avant d'arriver à Dammartin-en-Goêle. "Une institutrice de la ville a donc assisté à l’arrêt de la voiture devant elle avec les deux individus qui ont forcé une personne à passer à l’arrière et qui ont pris le véhicule avec elle". Plus de peur que de mal car "ils ont dû la laisser un peu plus loin".
Selon lui, le vol de la voiture a eu lieu "exactement à 8 heures 10" et la gendarmerie examine actuellement le véhicule. "À l’école, il y a une psychose terrible qui s’est installée et effectivement l’institutrice est très choquée", raconte-t-il. Sa commune de Montagny-Sainte-Félicité est située à "7-8 kilomètres" du lieu de la prise d'otages.