Tatoués de la tête aux pieds, ils se surnomment eux-mêmes les "voleurs dans la loi" et obéissent à leurs propres règles, nées dans les geôles de l'ex-URSS. Vingt-quatre membres présumés d'un gang affilié au "Vory v Zakone" ont été interpellés dans l'est de la France. Cette organisation se concentrait sur du vol à la chaîne pour le compte de "parrains". Les arrestations ont été effectuées mardi, principalement à Besançon, Mulhouse et Nancy , ainsi qu'à Nevers et à Lyon.
Les suspects devaient être présentés jeudi soir et vendredi à la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Nancy, en charge de cette affaire tentaculaire.
>> Mise à jour, le 21/04/15 : 19 des suspects ont été mis en examen dans ce dossier, dont 17 ont été écroués. Une affaire qui a connu un dernier rebondissement avec l'interpellation lundi de 7 nouveaux membres présumés de cette organisation, en Ile-de-France. Chez eux, les enquêteurs ont saisi une dizaine de vestes avec des poches aménagées avec une protection en aluminium pour déjouer les portiques antivol.
Qui sont les suspects interpellés ? Ils sont âgés de 35 à 50 ans, sont en majorité géorgiens. Quasiment tous tatoués, les suspects sont de "petites mains" de ce gang ainsi que, "plus rare" selon la PJ, de "redoutables lieutenants". Une dizaine de femmes figurent également parmi les suspects gardés à vue.
Cette organisation "de type mafieux", dont les policiers soupçonnent l'implantation en France depuis quelques années, s'était faite jusque-là relativement discrète dans l'Hexagone. Leur nom est souvent synonyme d'extorsions, enlèvements, meurtres, trafic d'armes ou de stupéfiants. Ils sont surtout spécialisés dans la délinquance en série : cambriolages, petits vols à un niveau industriel et selon une hiérarchie très stricte et une organisation pyramidale, selon les enquêteurs.
Comment ce gang organisait-il son activité criminelle ? Les "petites mains" étaient connues de la justice pour des vols et vivaient en France discrètement et de manière régulière avec des titres de séjour provisoires, touchant "diverses allocations et aides". Chaque voleur "générait 2.000 euros de cash" par mois, selon les enquêteurs.
La police a ainsi mis la main sur 60.000 euros en liquide, retrouvé une multitude d'objets volés, parfums ou écrans numériques. Les perquisitions ont également permis la saisie d'une "documentation instructive" et des "livres de comptes" attestant de la "parfaite organisation" de la structure. L'argent était expédié dans l'ex-URSS aux "Vory", les présumés parrains. La bande payait une sorte d'"impôt révolutionnaire", "l'obshak", prélevé sur les activités criminelles.
Comment l'enquête a-t-elle été menée ? La direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) estime avoir porté un "rude coup" à cette organisation. La police a travaillé à partir des présumés lieutenants et a identifié également le ou les mystérieux parrains qui sont à sa tête et étaient toujours recherchés jeudi. C'est le groupe d'enquêteurs dit "russophone", parce que spécialisé dans la grande délinquance issue des pays de l'ex-URSS, de l'Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) qui a initié l'enquête sur ce réseau. Ce groupe avait démantelé une structure équivalente en 2013.
Les investigations ont duré près d'un an et sollicité plusieurs services de la DCPJ, dont les directions interrégionales de police judiciaire de Strasbourg, Dijon, Lyon et Orléans. Interpol, Europol et la police géorgienne ont également été mobilisés, signe "de l'ampleur du phénomène".
Les Vors v Zakone, "fraternité" criminelle née au XIXe. Nés en Russie au XIXe siècle, les "Vory v Zakone", fraternité criminelle regroupant différentes nationalités issues de l'ex-bloc soviétique (Russie, Géorgie, Arménie, Moldavie, Tchétchénie, Ukraine...), se sont exportés en Europe depuis le début des années 90, plus récemment en France, selon la police. Leur mode de fonctionnement quasi militaire est basé sur un modèle immuable, comme le démontre cette enquête.
Chaque "Vor" est adoubé lors d'une cérémonie à l'ancienne de cooptation, et est responsable de sa bande, gérée par des superviseurs régionaux en Europe par exemple, les lieutenants dans cette affaire. Mais n'entre pas qui veut: il faut avoir un passé de délinquant et fait ses armes, notamment en prison. Les membres sont reconnaissables à leurs tatouages : rose des vents, toile d'araignée, poignard. Ils sont censés être régis par un code d'honneur strict et sont peu bavards en garde à vue.
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