Le policier qui a reconnu jeudi un tir de LBD le soir où le jeune Hedi a été gravement blessé en marge des émeutes à Marseille, restera en détention provisoire, une décision saluée par l'avocat de la victime mais jugée "incompréhensible" par un syndicat policier. Suivant les réquisitions, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté la demande de remise en liberté de ce policier marseillais afin de "prévenir toute concertation" avec ses trois collègues également mis en cause dans les violences contre Hedi, mais aussi "tout risque d'interférence avec les témoins".
"Blessures extrêmement graves"
Prénommé Christophe, cet agent de la brigade anticriminalité de Marseille n'était pas présent à l'énoncé de la décision, ayant regagné sa cellule. Lors de l'audience du matin, il avait souhaité "s'expliquer sur les faits". "J'ai pris la décision de faire usage de LBD à une reprise", avait-il reconnu après avoir nié cet acte jusqu'à présent. "J'ai vu que tout le monde était debout" après ce tir, avait ajouté le trentenaire, tee-shirt blanc, crâne rasé, assurant qu'il serait intervenu s'il avait vu quelqu'un au sol.
Sa "dénégation fallacieuse" initiale a jeté "le discrédit sur l'ensemble de ses propos", a estimé le président de la chambre qui a rappelé lors de l'audience qu'il était poursuivi pour les "blessures extrêmement graves" du jeune homme de 22 ans qui a vu une partie de son crâne amputé, entraînant une incapacité totale de travail très élevée de 120 jours. Jusqu'à présent, les quatre policiers de la BAC mis en cause dans ce dossier étaient dans "une extrême minimisation de ce qu'il s'est passé", avait-t-il ajouté.
Au moins jusqu'à fin août
"L'intensité de troubles ne dispense pas de s'attacher à respecter les règles d'intervention" et "de ne jamais s'affranchir des lois essentielles de la République", avait également tancé l'avocat général. Face au risque de "concertation frauduleuse" avant un interrogatoire du policier prévu le 30 août, il avait requis son maintien en détention. L'avocat général a aussi énuméré les "éléments incontournables" livrés par l'exploitation de caméras de surveillance notamment celle d'une synagogue. Ils prouvent qu'Hedi a été roué de coups après avoir reçu un tir de LBD à la tête.
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"Un balayage" le fait chuter, "deux coups de pied", "nouveau coup de poing" et "ensuite un troisième (homme) arrive et lui porte une gifle ou coup de poing à la tête", énumère-t-il, regrettant un "épisode navrant". Après un dernier coup, Hedi s'effondre et sera conduit à l'hôpital par le propriétaire d'une épicerie. Christophe "n'a fait que tirer, la suite ne le concerne pas", a insisté son conseil Me Pierre Gassend. Elle concerne en tous cas les trois autres policiers, dont celui qui contestait jeudi son contrôle judiciaire souhaitant pouvoir réintégrer les rangs de la police. Le parquet général, interrogé par l'AFP, n'a pas communiqué la décision le concernant.
La classe politique n'a pas manqué de réagir, notamment la députée LFI Aurélie Trouvé qui approuve cette décision, arguant qu'"il ne faut surtout pas une fuite en avant dans le fait de donner encore aux policiers des permis de tuer supplémentaires", a-t-elle déclaré au micro d'Europe 1. À l'inverse, son homologue des Républicains craint une augmentation du malaise au sein de la profession. "Les forces de l'ordre ont tout notre soutien. On est dans un climat anti-forces de l'ordre et c'est vraiment insupportable. S'il y a des policiers fautifs, ils doivent relever, le cas échéant, de la justice. Mais qu'on arrête de jeter l'opprobre sur toute une corporation", juge-t-il sur Europe 1.
"La police doit assumer"
L'avocat d'Hedi, Jacques-Antoine Preziosi s'est dit "satisfait" du maintien en détention qui permettra "un meilleur déroulé" de l'enquête, ajoutant que "la police doit assumer cette incarcération qui va dans le sens de la justice". Le secrétaire départemental des Bouches-du-Rhône du syndicat Alliance, Sébastien Gréneron a déploré de son côté une décision "incompréhensible et très injuste". Les quatre fonctionnaires ont été mis en examen dans ce dossier pour violences volontaires aggravées par trois circonstances : elles ont été commises en réunion, avec usage ou menace d'une arme et par personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de leurs fonctions.
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Christophe avait été incarcéré il y a deux semaines et les trois autres placés sous contrôle judiciaire avec "interdiction d'entrer en contact avec les coauteurs, la victime et les autres protagonistes et interdiction d'exercer l'activité professionnelle de fonctionnaire de police". L'incarcération du policier marseillais il y a deux semaines, après celle du policier mis en examen pour avoir tué Nahel M., 17 ans, à Nanterre fin juin, a déclenché une fronde dans une partie de la police.
"Le savoir en prison m'empêche de dormir", avait déclaré le directeur général de la police Frédéric Veaux, qui considère "qu'avant un éventuel procès, un policier n'a pas sa place en prison", des prises de position dénoncées par de hauts magistrats mais aussi par des membres de la majorité et de l'opposition. Au total, 31 enquêtes de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices, ont été ouvertes lors des émeutes, a appris mercredi l'AFP de source policière.