C'est un bizutage qui ne dit pas son nom. À Angers, sur le campus de la prestigieuse École nationale supérieure d’Arts et métiers (Ensam), seize étudiants de première année ont été brûlés, le 11 octobre dernier, à l'aide de manches de cuillères chauffés, lors d'un rituel d'intégration qui aurait mal tourné, rapporte Le Monde mardi. L'inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR) a été saisie, alors que l'école traîne déjà un lourd passif en la matière.
Une "illusion de tatouage". Ils appellent cela une "illusion de tatouage". Habituellement, lors de la "période de transmission des valeurs", qui se déroule chaque année pendant plusieurs semaines après la rentrée, les étudiants en seconde année font croire aux nouveaux arrivants qu'ils vont les tatouer. Pour plus de réalisme, les gad'zart – le surnom que se donnent les étudiants de l’Ensam – utilisent un glaçon. Problème : "ce soir-là, ils n’avaient pas de glaçons pour simuler la brûlure, alors ils ont fait chauffer des manches de cuillère. Ils ont testé sur eux et ont dit que ça donnait une sensation de chaud. Mais il semble que l’opération ait été de moins en moins maîtrisée au fil de la nuit", relate le directeur général de l'école dans les colonnes du Monde.
Aucune plainte déposée. Seize étudiants, brûlés, se sont ainsi retrouvés avec des chiffres tatoués sur un bras, a pu constater le quotidien, photos à l'appui. Les blessures n'ont cependant entraîné ni hospitalisation ni interruption temporaire de travail (ITT), selon le directeur de l'établissement. Par ailleurs, aucune plainte n'a été déposée, ni par les étudiants, ni par leur famille.
Une commission disciplinaire convoquée. Dès le lendemain des faits, le directeur de l'école, informé de leur tournure par plusieurs élèves, a décidé de contacter le ministère de l'Enseignement supérieur. "L'inspection générale a été saisie à la demande de la ministre Frédérique Vidal afin de comprendre comment de tels comportements peuvent perdurer malgré les mesures prises ces dernières années", souligne le ministère. Les conclusions de cette enquête sont attendues pour fin janvier, peu après une commission disciplinaire interne à l'école, prévue le 10 janvier.
"C'est de la torture, tout simplement". "On a franchi une étape, là. C'est l'escalade. Avant, il y avait une pression psychologique. Là, ce sont carrément des sévices. Comment est-ce que, dans une grande école comme ça, on peut encore faire ça ?", a réagi Marie-France Henry, présidente du Comité national contre le bizutage. "Ce n'est pas de l'humiliation, ce n'est pas dégradant? C'est quoi alors ? C'est de la torture, tout simplement", s'insurge-t-elle avant de réclamer "une condamnation en justice" à l'égard de ce genre de pratiques, pour lesquelles l'école a déjà fait parler d'elle dans le passé.
L'école déjà montrée du doigt. En février 2016, plusieurs incidents relayés par les médias avaient notamment déclenché une enquête de l’Inspection générale de l'administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR). En France, le bizutage est interdit. Depuis 1998, la pratique est passible de six mois de prison et de 7.500 euros d’amende.