Des exilés Afghans avaient posé leur tente, lundi soir, en plein cœur de Paris, place de la République. Ils y ont été délogés une heure plus tard, à coups de gaz lacrymogène, sous les cris des militants associatifs qui avaient organisé ce campement. La brutalité des forces de l'ordre a choqué, jusqu'au ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui a évoqué dans la nuit des "images choquantes" et a demandé un rapport au Préfet de police.
Ces migrants viennent, en partie, du campement de Saint-Denis évacué mardi dernier à l’aube lors d’une opération de "mise à l’abri", selon les dires des autorités. Près de 3.000 personnes avaient été évacuées, sans compter ceux qui étaient déjà partis quelques heures auparavant. Mais ces migrants n’ont pas tous été relogés et depuis plusieurs jours, les policiers les chassent des endroits où ils se regroupent.
Rendre visibles les migrants
Plusieurs associations ont voulu organiser à République une opération symbolique et médiatique, lundi soir, pour rendre visibles ces migrants sans hébergement. "On savait qu'il y avait ce risque d'un démantèlement violent, mais c'est un risque qui était nécessaire pour que les personnes puissent être hébergées. Elles sont totalement invisibilisées dans le nord de Paris", explique au micro d'Europe 1 Kérill Theurillat, membre de l’association Utopia 56.
Pour lui, "c'est une idée fausse de dire qu'on instrumentalise la situation des gens, qu'on organise des opérations sans les concerter. Non, là c'était bien les personnes exilées qui nous ont fait part de leur volonté de visibiliser leur situation. Nous, on leur a montré qu'on était d'accord pour participer et pour organiser quelque chose".
"Certains policiers ont perdu leur sang-froid"
Au moment où les tentes se sont dressées place de la République, Anne Hidalgo annonçait sur Twitter que la mairie de Paris proposait deux lieux pour accueillir ces réfugiés. Des "dispositifs d’urgence" qui ne "peuvent remplacer durablement une prise en charge par l’État, dont c’est la compétence ", écrit Anne Hidalgo qui alertait la Préfecture de police depuis cinq jours.
Environ 400 à 500 migrants, des élus, des avocats, des médias se retrouvent alors place de la République, lundi un peu avant 19 heures. Le Préfet de police ordonne l’évacuation avec les effectifs policiers disponibles : un escadron de gendarmes mobiles, la compagnie de sécurisation parisienne et surtout les quatre brigades anti-criminalité de nuit de Paris et petite couronne, dont ce n’est pas vraiment la spécialité.
Résultat : une évacuation sans ménagement et sous tension, la pression d’élus, de militants, une bousculade sous les objectifs.
"Certains policiers ont perdu leur sang-froid", reconnaît David Le Bars, patron du principal syndicat des commissaires. "La violence n'est légitime que lorsqu'elle est en riposte et qu'elle est proportionnée à des agressions. Le problème de ces images là, c'est que l'on voit un usage de la force, mais qu'on ne voit pas, en face, des gens, qui étaient en situation eux-même d'avoir usé de la force contre les policiers", ajoute-t-il.
Gérald Darmanin a demandé des comptes au préfet de police. C’est fait : le rapport est donc sur son bureau et l’IGPN est saisie. Elle a 48 heures pour rendre ses conclusions au ministre de l’Intérieur, qui a promis de les rendre publiques.
Deux gardes à vue sont également en cours pour des faits de violences sur personne dépositaire de l'autorité publique et outrage à personne dépositaire de l'autorité publique.