C’est l'une des principales mesures pénitentiaires du plan de lutte contre le terrorisme, annoncé par Manuel Valls, après les attentats de janvier 2015. Le programme de déradicalisation dans les prisons démarre lundi avec l’ouverture de deux quartiers dédiés dans les prisons d’Osny, dans le Val-d’Oise, et de Lille-Annœullin, dans le Nord. Ces unités dédiées accueilleront chacune une vingtaine de détenus, condamnés ou en détention provisoire, impliqués pour des faits de terrorisme.
Pourquoi lancer des quartiers spécifiques ? Ce projet, piloté par Matignon en lien avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice, avait été annoncé par Manuel Valls peu après les attentats de janvier 2015. A l’époque, les enquêtes avaient permis de mettre en lumière les parcours des auteurs des tueries, marqués par une radicalisation derrière les barreaux, qu’il s’agisse aussi bien de détenus de droit commun ou d’autres condamnés pour terrorisme.
Face à ce constat, le gouvernement a mis un point d’honneur à endiguer ce processus de radicalisation en prison, notamment en multipliant le nombre de personnels spécialisés dans le renseignement. Ces unités dédiées aux détenus radicalisés constituent donc une nouvelle étape du plan pénitentiaire de lutte contre le terrorisme.
Combien y en aura-t-il ? Lundi, jour du début du programme de déradicalisation, cinq détenus sont arrivés à Osny, trois à Lille-Annœullin et 26 sont à Fresnes, dans le Val-de-Marne - la première unité ouverte en 2014, mais dont le fonctionnement va être modifié. Ces quartiers spécifiques vont se remplir dans les semaines qui viennent, ils seront complétés par deux autres unités, qui ouvriront au mois de mars à Fleury-Merogis, dans l'Essonne.
Quel est le profil des détenus choisis pour ces quartiers dédiés ? Il s’agit de personnes en attente de jugement ou déjà condamnées pour des faits de terrorisme. L’idée est de repérer les détenus qui présentent des risques, soit de prosélytisme en prison, soit de passage à l'acte violent à l'extérieur. La priorité pour l'administration est de travailler avec des détenus amenés à sortir dans les prochaines années, parce que les détenus condamnés à de lourdes peines sont des cas plus "endurcis". Ensuite, il faut les faire adhérer à ces programmes qui seront désormais obligatoires.
Comment se déroule leur "recrutement" ? Avant d’intégrer ces quartiers spécifiques, ces individus doivent être "évalués" par une série de spécialistes, durant une période allant de deux à huit semaines. Les rencontres se déroulent de façon régulière avec des psychologues, des éducateurs et des conseillers d’insertion et de probation, chargés d’évaluer le risque qu’ils représentent. En fonction de cette évaluation, les détenus pourront intégrer ces unités de prise en charge, pour une durée de six mois.
Les détenus arrivés lundi à Osny et Lille-Annœullin ont d'ores et déjà été "évalués" et entament le processus de prise en charge. Pour les détenus du Val-d’Oise, il s’agit d’une prise en charge collective, pour ceux du Nord, les détenus les plus fermés et réticents il s'agira d'une prise en charge individuelle.
Comment ces unités vont-elles fonctionner ? Une fois que les détenus ont intégré ces quartiers dédiés, séparés des autres détenus, l’idée est de décloisonner leur esprit, de les faire réfléchir, avec des échanges sur la religion, la violence, la géopolitique ou encore le rejet des institutions. Des réflexions animées par des intervenants extérieurs : associations et victimes de terrorisme, terroristes repentis, anciens détenus, aumôniers, experts en géopolitique, politologues et psychologues.
En résumé, l’objectif de cette prise en charge est de rendre les détenus moins dangereux qu’à leur arrivée. Le but est de créer un déclic pour que ces hommes mettent en doute leurs convictions radicales voire violentes.
Dans l’immédiat, 235 détenus sont concernés. Mais, à terme, l’administration a détecté 700 autres détenus radicalisés qui pourront passer par ces unités.