Mercredi, la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique sera appliquée au plan pénal pour la première fois. Soupçonnée d'avoir dissimulé des informations dans ses déclarations de patrimoine et d'intérêts lorsqu'elle était au gouvernement, Yamina Benguigui est citée à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris.
Jusqu’à trois ans d’emprisonnement. L’ancienne ministre de la Francophonie encourt trois ans d'emprisonnement, 45.000 euros d'amende et dix ans inéligibilité d’après la loi sur la transparence de la vie publique qui punit les élus ayant omis "de déclarer une partie substantielle de (leur) patrimoine ou intérêts ou qui en auraient fourni une évaluation mensongère". Ce texte, voté après la démission du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, en mars 2013, pour avoir dissimulé des fonds en Suisse, oblige les ministres ou élus locaux à déclarer leur patrimoine à la Haute autorité de la transparence de la vie publique pour prévenir d'éventuels conflits d'intérêts.
Un "doute sérieux". C’est en mars 2014 que l’affaire éclate. Marianne et Le Canard enchaîné affirment que Yamina Benguigui, entrée au gouvernement en 2012, a menti sur sa déclaration. Des accusations face auxquelles elle avait "formellement démenti" tout manquement. Mais à la fin du mois, la Haute autorité de la transparence de la vie publique exprime "un doute sérieux quant à l'exhaustivité, l'exactitude et la sincérité" des déclarations de patrimoine de la ministre. Saisi, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire en avril 2014 avant de citer la réalisatrice reconnue de documentaires, en décembre dernier, en correctionnelle.
430.000 euros non-déclarés. En cause, trois déclarations de patrimoine et deux déclarations d'intérêt. Dans la première, le 19 juillet 2012, au moment de son entrée au gouvernement, Yamina Benguigui omet de déclarer qu'elle possédait 20% d'une société anonyme de droit belge, G2, depuis 2005. Cette holding est actionnaire à 99% de sa société de production Bandits productions.
Une omission déjà commise en 2008, à son entrée au Conseil de Paris, et que Yamina Benguigui a répétée lors de nouvelles déclarations de patrimoine en avril 2013 puis en janvier 2014, selon une source judiciaire. En janvier puis en mars 2014, elle rendait également des déclarations d'intérêts incomplètes, en ne signalant pas la vente pour 430.000 euros de ses parts. Or, cette cession aurait dû être signalée dans un délai d'un mois et qui a été réalisée le jour même de la déclaration.
De "bonne foi" ? "Nous démontrerons à l'audience" que Yamina Benguigui "est de bonne foi", avait affirmé en décembre Me Eric Dupond-Moretti, en assurant avoir "beaucoup de choses" à dire lors du procès. Réfutant toute volonté de dissimulation, l’avocat avait souligné que les droits de sa cliente dans G2 étaient parfaitement connus de l'administration pour avoir été déclarés au titre de l'impôt sur la fortune (ISF) pour les années 2010, 2011 et 2012.
Un accord pour céder ses parts. Me Dupond-Moretti avait également expliqué que, dans un souci d'éviter tout conflit d’intérêt, Yamina Benguigui avait d'abord consenti la cession de ses parts sociales à son associé, pour un euro. L'accord comportait une "clause de retour" permettant à la réalisatrice de les récupérer pour le même prix dans un délai de cinq ans. Dès lors, faisait valoir l'avocat, sa cliente n'avait plus à déclarer ces parts dont elle n'était plus titulaire.