C'est un colosse à la voix rocailleuse bien connu des prétoires. Outreau, Florence Cassez, Dominique Cottrez et plus récemment Air Cocaïne... Des affaires médiatisées dans lesquelles apparaît Frank Berton, et auxquelles il faut désormais ajouter la défense du suspect clef des attentats de Paris, Salah Abdeslam. Le pénaliste inscrit au barreau lillois depuis 1989 l'a annoncé mardi soir, il formera équipe avec son homologue belge Sven Mary et un second avocat français pour représenter le seul survivant des commandos du 13 novembre devant la justice française.
Une défense sous le regard des médias. Frank Berton, c'est un physique, "une gueule", comme on dit. Des cheveux toujours plaqués sur l'arrière et des yeux perçants qui dessinent le visage de l'un des grands pénalistes français. "Il a une intuition phénoménale", confiait à L'Obs sa femme Bérangère, avec qui il a fondé son cabinet à Lille. Au gré de dossiers judiciaires majeurs, l'homme de 53 ans s'est taillé une solide réputation. Il a ainsi accompagné jusqu'à l'acquittement Odile Marécaux, Frank Lavier et Daniel Legrand dans le cauchemar d'Outreau ou encore défendu avec ferveur Dominique Cottrez, accusée d'avoir tué ses huit nourrissons. Mais l'affaire qui participera sans doute le plus à son exposition médiatique est celle de Florence Cassez, qu'il contribuera à faire sortir des geôles mexicaines.
Travail et combativité. Derrière les "sunlights" médiatiques, l'amateur de montres et de belles voitures s'avère un bourreau de travail, selon ses proches. "Ce qui le caractérise, c'est qu'il est très sérieux. C'est quand même 95% de travail, de transpiration et 5% du reste", rapporte à Europe 1 Me Hubert Delarue, qui l'a rencontré en 2004 au premier procès Outreau. Depuis, les deux confrères ont plaidé ensemble une quinzaine d'affaires. "Il n'a pas usurpé sa réputation", abonde son fils, Julien Delarue qui connaît bien aussi le ténor lillois. "C'est un type qui est avocat jusqu'au bout des ongles".
Dois en être à la 30éme demande "quelques mots pour portrait de F. Berton"..!
— Maître Mô (@MaitreMo) 27 avril 2016
Amis journalistes, c'est 1 super mec et 1 super avocat.
Voilà.
Des dossiers épluchés dans le moindre détail, et des confrères qui semblent tous parler d'une même voix pour dire combien l'homme est "un super mec" et "un super avocat", pour paraphraser l'avocat blogueur, Maître Mô, rattaché au barreau de Lille. Certains concèdent toutefois qu'avec son tempérament "tranché" et "entier", l'avocat peut se révéler plus abrupt avec ceux qu'il n'apprécie pas. Mais tous s'accordent sur son acharnement au travail.
Avocat coûte que coûte. Une pugnacité qui prend probablement racine dans le parcours de Frank Berton pour devenir avocat. Natif d'Amiens, dans la Somme, l'homme connaît une enfance difficile au côté d'un père violent, à la main leste sur sa femme et ses trois enfants. Un père qui le contraint à suivre des études de commerce, alors qu'il veut déjà être avocat, rapporte Libération. Pour financer ses études, le jeune homme passe de petit job en petit job, sera même trois ans DJ en Belgique. Avant d'être admis au barreau de Lille en 1989. Il a alors 27 ans. "Un adulte est un enfant couvert de cicatrices. C'est très vrai pour Frank", déclare son confrère et ami Me Hubert Delarue, citant Louis Pons. Derrière son apparence peu commode, "il est plus sensible qu'on ne le croit", glisse un autre.
Une défense incarnée. Frank Berton, c'est aussi une forte présence dans la salle d'audience, devant les jurés. "Il fait partie des avocats qui ont compris que le procès se gagne à l'audience par la présence, la combativité", analyse de son côté Me Hubert Delarue, qui le compare sur ce point à l'autre ténor du barreau lillois, Eric Dupond-Moretti. L'intéressé a d'ailleurs réagi au choix de son confrère : "Un type qui est défendu par Frank Berton est bien défendu. Il s'accroche, il se bat", a assuré Me Dupond-Moretti à l'AFP.
Le "Sven Mary français" a-t-il les épaules pour affronter la pression, les coups à prendre qu'impliquent la défense du suspect numéro 1 des attentats ayant meurtri la France ? Ce n'est en tout cas pas la première fois que le pénaliste se risque à représenter un homme soupçonné de terrorisme. En 1999, Franck Berton avait déjà pris la défense d'un islamiste dans le procès des attentats de 1995, à Paris. Plus de 15 ans plus tard, l'avocat demeure animé par une noble conception de la défense : "Il est essentiel à la profession qu'est la nôtre d'assister Salah Abdeslam, de le représenter et de le défendre", a-t-il déclaré sur Europe 1 mercredi matin.