La sixième campagne dans les Ardennes de recherche des restes d'Estelle Mouzin, victime présumée de Michel Fourniret, s'est encore soldée par un échec, malgré la conviction des enquêteurs, guidés par l'ex-épouse du tueur en série, d'être sur la bonne piste. Entamées lundi dans un bois communal d'Issancourt-et-Rumel, les opérations ont pris fin mercredi en fin de journée : seules les pelleteuses remblayant le terrain étaient à l'œuvre jeudi.
Pendant ce temps-là, Monique Olivier, extraite depuis lundi de sa cellule où elle purge une peine de sûreté de 28 ans de prison pour complicité dans quatre des meurtres de son ex-mari, était interrogée une dernière fois, à la gendarmerie de Sedan. Lundi et mercredi, elle avait arpenté aux côtés des enquêteurs et de la juge d'instruction Sabine Kheris le chemin de cette forêt au bord duquel, avait-elle avoué le 1er avril, elle avait accompagné son ex-mari avant de le laisser aller enfouir le corps de la petite Estelle le 11 janvier 2003. Deux jours plus tôt, la fillette de neuf ans avait été enlevée sur le chemin de l'école à Guermantes, en Seine-et-Marne.
Ces déclarations inédites de Monique Olivier, où elle reconnaissait pour la première fois un rôle dans la séquestration d'Estelle, avaient été livrées à Sabine Kheris dans les murs de la gendarmerie de Charleville-Mézières. Dans la foulée, elle avait déjà accompagné les enquêteurs pour leur désigner l'endroit.
Il est "possible qu'on ne retrouve rien"
Le village d'Issancourt-et-Rumel, 400 habitants, se situe à quelque 4 km de Ville-sur-Lumes, où, toujours selon Monique Olivier, Fourniret a séquestré, violé et tué la fillette, dans une maison appartenant à sa soeur. Lors de ces trois journées de fouilles, elle a fait preuve d'un "état d'esprit où elle participe", a souligné son avocat Richard Delgenes. Elle s'était, a-t-il assuré, affranchie de toute "barrière", sans penser "'si je dis quelque chose, ça se retournera contre moi'". Ses indications n'ont pourtant pas suffi.
D'une part en raison de l'étendue de la zone, préalablement déboisée sur plus d'un hectare, mais aussi parce que les recherches se heurtent à la difficulté d'établir avec précision l'emploi du temps du duo Fourniret-Olivier ce 11 janvier 2003. "Si Michel Fourniret est resté deux ou trois heures sur place pour faire un trou, ce n'est pas pareil que s'il est resté dix minutes", avait résumé Richard Delgenes mercredi, expliquant que juge et enquêteurs avaient tenté de reprendre le fil de cette journée "minute après minute" auprès de Monique Olivier. Il n'avait pas exclu non plus que "si le corps n'a pas été enterré suffisamment profond", il soit "possible qu'on ne retrouve rien malheureusement".
"Elle a confirmé que c'était dans cette zone que le corps avait été enterré"
Pour l'avocat de la famille d'Estelle, Me Didier Seban, cette nouvelle campagne marque "à la fois une déception mais aussi un moment important de l'avancée de l'enquête. Tout a été confirmé, reconfirmé par Monique Olivier. Elle a confirmé que c'était dans cette zone que le corps avait été enterré". "Pour nous l'enquête est terminée, le seul point qui reste à élucider est de savoir où est le corps d'Estelle", a-t-il déclaré à l'AFP. Mardi, il avait parlé de "piste très sérieuse", tout en reconnaissant que le dénouement dépendait aussi d'un facteur "chance".
Condamné à la perpétuité incompressible pour les meurtres de sept jeunes femmes ou adolescentes entre 1987 et 2001, "l'ogre des Ardennes" avait fini par avouer en mars 2020 sa responsabilité dans la disparition d'Estelle Mouzin, après avoir été mis en cause par Monique Olivier. Avant les recherches dans le bois d'Issancourt-et-Rummel, cinq opérations de fouilles se sont succédé depuis juin dans la région, proche de Sedan, ville natale de Fourniret, et où s'est déroulé une bonne partie de son parcours criminel.