Il est surnommé "le Barbe bleue de l'Essonne". Jamel Leulmi, 36 ans, comparaît à partir de mardi devant la cour d’appel de Paris, pour avoir assassiné sa femme et tenté de tuer une seconde compagne. L'homme, présenté comme un fin manipulateur, est suspecté d'avoir orchestré les "accidents" de ses compagnes afin de bénéficier de leurs (juteux) contrats d'assurance décès. Le 22 mai 2014, ce séducteur bodybuildé avait été condamné par la cour d'assises à 30 ans de réclusion criminelle. Ce charmeur au double visage, oscillant entre séduction et manipulation, nie formellement les faits. Mais quatre semaines ou presque de procès, devant une salle le plus souvent comble, et un défilé incessant de témoins n'avaient guère éclairé la personnalité de cet homme de 37 ans.
"J'espère que vous avez le temps". Les ennuis judiciaires de cet ex-professeur de technologie reconverti en chef d'entreprise commencent le 12 juin 2010. Ce jour-là, Julie Derouette, une ancienne de ses très nombreuses conquêtes, se présente à la gendarmerie pour porter plainte après un cambriolage à son domicile. Fait troublant : aucun objet de valeur n'a été dérobé mais quatre copies de contrats d'assurance décès ont disparu. "J’espère que vous avez du temps, parce que mon histoire est compliquée", prévient Julie aux gendarmes. Car après ce cambriolage sans effraction, la jeune femme a en effet immédiatement fait le lien avec son ancien compagnon, Jamel Leulmi, rencontré en octobre 2009.
A cette date, Julie décide d'emmener ses filles dans un tout nouveau parc d'attraction proche de chez elle, Coco Island. A peine assise, elle est abordée par le gérant du lieu, un homme musclé au sourire ravageur. Jamel Leulmi obtient le numéro de la jeune mère de famille et les deux tourtereaux débutent aussitôt une histoire. "Il me couvrait de cadeaux, m’emmenait au restaurant, gâtait mes filles. Il me disait qu’il m’aimait, qu’il voulait m’épouser", raconte-t-elle à Libération.
Un mariage et des contrats d'assurance. Les fiançailles sont justement prévues en décembre de la même année. Elles doivent se dérouler au Maroc et en Algérie, les pays d'origine des parents de Jamel Leulmi. "Il m’a dit que, pour obtenir le visa pour l’Algérie, il fallait des assurances invalidité décès. Il m’a emmené à trois rendez-vous chez des assureurs et j’ai souscrit aussi deux contrats par Internet. Je lui faisais confiance, j’étais amoureuse, je signais", confie encore la jeune femme au quotidien. Des déclarations que les enquêteurs ont pu confirmer. Ces derniers ont en effet retrouvé les doubles des contrats invalidité décès. Des contrats s'élevant à la coquette somme de 7 millions d’euros au profit de Jamel Leulmi en cas de mort accidentelle de la jeune femme.
Laissée pour morte au bord d'une route. Et l'accident survient justement juste avant leur mariage, au Maroc, où Julie Derouette devait retrouver son compagnon. La mère de famille est victime d'un accident de la route. Au volant d'une voiture de location, elle est percutée par l'arrière puis violemment agressée et laissée pour morte sur le bord de la route. Elle s'en sortira avec la colonne vertébrale brisée et cinq mois d'ITT. Durant sa période de convalescence, Jamel Leulmi ne lui rend visite qu'une seule fois. C'est la désillusion pour Julie Derouette. Après son mystérieux cambriolage, elle décide de porter plainte.
Un (autre) "accident" troublant. Les enquêteurs se penchent alors sur le passé de l'accusé et découvrent qu'il est veuf. Sa première épouse est morte trois ans plus tôt dans un accident de la route, fauchée par une voiture au cours d'une balade à vélo, trois mois à peine après leur mariage. Coïncidence ? Elle avait également souscrit quelques semaines avant sa mort plusieurs polices d'assurance au profit de Jamel Leulmi, lesquelles prévoyaient en outre un doublement de la somme en cas de décès accidentel. Faute d'avoir pu identifier le conducteur, l'enquête sur le décès est classée sans suite en 2007. Jamel Leulmi touche alors plus d'un million d'euros, qu'il flambe en s'offrant deux maisons, un appartement, un 4x4, un quad ou encore un jet-ski.
"Un danger pour notre société". Lors de son premier procès, Jamel Leulmi sur lequel plusieurs années de détention provisoire semblaient avoir glissé sans laisser de traces, était resté aussi calme et poli que parfaitement insondable. Il a été reconnu coupable d'avoir assassiné son ex-femme, Kathlyn Vasseur, en 2007. Il a également été reconnu coupable du chef de "complicité de tentative d'assassinat" à l'encontre de Julie Derouette. Une troisième femme, Karine T., vendeuse présentant selon les experts un "léger retard mental", avait expliqué devant la cour d'assises de l'Essonne avoir souscrit des assurances-décès - 3 millions d'euros - pour cet amant rencontré dans un club échangiste, alors qu'elle ne sait ni lire, ni écrire.