Ils devront juger un crime aussi horrible que peu commun. A partir de mardi, les jurés de la cour d'assises de Seine-et-Marne, à Melun, devront juger deux parents. Le père, accusé d'avoir tué son fils Bastien en l'enfermant dans un lave-linge qu'il a fait tourner. La mère, accusée d'avoir été complice de ce crime. Lui comparaît détenu ; elle, qui clame son innocence depuis le début, se présentera libre à l'ouverture du procès.
Punition. Le drame s'est joué dans la petite ville de Germiny-l'Evêque en Seine-et-Marne, le 25 novembre 2011. Ce lundi, le petit Bastien, trois ans, rentre de l'école. Mais à cause d'une supposée bêtise faite en classe, son père décide de le punir. Christophe C., alors âgé de 33 ans, aurait décidé d'enfermer son fils dans le lave-linge avant de mettre en route un cycle lavage puis essorage. Ce geste a entraîné la mort du garçonnet à la chevelure blonde.
Une "arme inédite" pour "un acte de barbarie". "L'arme utilisée pour tuer ce pauvre petit est inédite, en France au moins (ndlr ; un cas similaire a eu lieu aux Etats-Unis). […]On ne comprend pas l'enchaînement des choses. On ne comprend pas comment le père a été amené à envisager une telle punition", analyse auprès d'Europe 1 Yves Crespin, avocat de l'association L'Enfant bleu. Enfance maltraitée, qui s'est constituée partie civile, avec une autre association défendant les droits de l'enfant, Enfance et Partage, et le conseil départemental. "Le placard, c'est traumatisant, mais ce n'est pas mortel. La machine à laver, c'est évidemment mortel. […] C'est un acte de barbarie et de la pire des barbaries", souligne-t-il.
Mère complice. Un acte criminel que la mère de l'enfant est accusée de ne pas avoir arrêté à temps. Dans la pièce voisine ce jour-là, Charlène C. était occupée avec sa fille aînée de cinq ans à faire un puzzle. D'abord mise en examen pour "non-empêchement de commission d'un crime" et "non-assistance à personne en danger", Charlène C., sortie de prison en novembre 2014, est finalement renvoyée devant les assises pour "complicité de meurtre et violence".
Liés par le mensonge ? Dans un premier temps, le couple aurait opté pour le mensonge. Alors que l'enfant est déjà mort, ils choisissent d'appeler les secours. Ils racontent alors que Bastien est tombé dans l'escalier et qu'ils l'ont mis dans un bain pour soigner ses blessures, mais qu'il s'est noyé.
Une version qui ne subsistera pas longtemps. La grande sœur de Bastien, aujourd'hui placée, désigne d'emblée son père. Rapidement, les enquêteurs découvrent un contexte familial en grande difficulté sociale et psychologique. Le père de famille boit et frappe sa femme.
Bastien, l'enfant de trop. Mais surtout, le petit Bastien, deuxième enfant de la famille, n'était pas désiré. Privé de soins et d'affection, il était régulièrement puni. L'instruction a notamment permis d'établir que le père avait pris l'habitude d'enfermer le garçonnet, les mains liées, dans le placard de l'entrée.
Pour Anne Tursz, pédiatre spécialiste de la maltraitance, "il y a une logique dans ce qui est arrivé, c'est-à-dire que c'est une escalade du rejet de l'enfant". "Cet enfant n'avait pas été désiré, le père avait toujours dit qu'il n'en voulait pas, il avait fait des annonces effroyables sur ce qu'il comptait en faire. Et ce qui s'est passé, ce n'est pas un 'pétage de plomb', c'est une progression dans le rejet de cet enfant qui a fini par être tué, ce qui est le rejet final", décrypte au micro d'Europe 1 cette chercheuse à l'Inserm.
Des signaux non pris en compte. Pour l'auteure de l'ouvrage Les oubliés. Enfants maltraités en France et par la France, il est difficile d'imaginer "que cet enfant n'avait pas des troubles du comportement : soit il était triste, soit il était agressif, soit les deux. D'ailleurs, il y a eu des signalements. Mais ce que l'on n'a pas vu, ce que l'on n'a pas compris, c'est la gravité de la situation. Il fallait retirer cet enfant qui était en danger de mort".
La maltraitance invisible. Depuis 2006, neuf signalements sur cette famille, suivie par la protection de l'enfance et par la protection maternelle et infantile, avaient en effet été transmis aux services sociaux. Problèmes d'hygiène, délaissement de l'enfant, etc. Une série de signes annonciateurs, dont les services sociaux n'ont pas su mesurer qu'ils trahissaient la dangerosité de la situation.
"Ils n'ont pas vu. C'est plus facile de reconnaître les coups, les fractures, que de reconnaître les humiliations, le rejet... Des choses qui sont beaucoup plus intangibles, beaucoup plus difficiles à palper", explique Anne Tursz. Devant la cour, la responsabilité des services sociaux sera aussi interrogée.
Les parents du petit Bastien encourent la réclusion à perpétuité.