Le tribunal administratif de Lille a ordonné vendredi au Garde des Sceaux et au parquet de Lille d'effacer les données personnelles d'un fichier recensant les gardés à vue lors de la mobilisation contre la réforme des retraites, selon sa décision consultée par l'AFP. Le tribunal avait été saisi en référé par l'Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico), le Syndicat des avocats de France et la Ligue des droits de l'homme (LDH), sur la base d'un article de Médiapart dénonçant la constitution d'un tel fichier. Le tribunal condamne l'Etat à verser une somme globale de 3.000 euros aux requérants, mentionne la décision.
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"Une atteinte grave au droit au respect de la vie privée"
Le juge des référés "estime que la constitution par le parquet de Lille, en dehors de tout cadre réglementaire, d'un fichier recensant les nom, prénom et date de naissance de chaque manifestant placé en garde à vue à l'occasion des manifestations contre la réforme des retraites, ainsi que les suites pénales données, porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée des personnes concernées et ordonne l'effacement des données à caractère personnel qu'il contient", résume un communiqué diffusé par le tribunal.
L'avocat de l'Adelico et du SAF, Jean-Baptiste Soufron, a salué vendredi pour l'AFP une décision "extrêmement importante", se réjouissant que "le tribunal administratif ait pu jouer pleinement son rôle de contrôle des décisions du gouvernement". "Il est avéré qu'un fichier politique a été constitué par le parquet de Lille sur les instructions du ministère de la Justice", a-t-il souligné, déplorant que "le gouvernement, depuis plusieurs mois, enchaîne les décisions illicites".
Un fichier constitué depuis le 17 mars
"Il s'agit clairement d'un vrai rappel à l'ordre", s'est félicitée l'avocate de la LDH, Marion Ogier. Selon la LDH, le fichier a été constitué depuis le 17 mars, suite au durcissement de la mobilisation après le recours au 49-3. À l'audience, un représentant du ministère de la Justice avait assuré que ce fichier était autorisé par le décret encadrant la base Cassiopée, qui rassemble dans un logiciel sécurisé les données des prévenus, victimes ou témoins des procédures judiciaires des dix dernières années.
Simple outil de gestion, il "permet le pilotage d'un évènement particulier" avec une forte "volumétrie des gardes à vue", avait expliqué une autre représentante, évoquant l'existence -- pointée par Médiapart --d'autres fichiers de ce type dans d'autres villes. Sollicités par l'AFP, le parquet de Lille et le ministère de la Justice n'avaient pas réagi dans l'immédiat.