L’affaire Grégory n’est pas terminée. Trois personnes ont été interpellées et une autre entendue mercredi dans le cadre de cette enquête vieille de 33 ans. Le 16 octobre 1984, Grégory Villemin, alors âgé de 4 ans, était retrouvé pieds et poings liés dans la rivière Vologne, dans les Vosges. Depuis, l’enquête judiciaire patine et l’affaire Grégory est devenue l’une des grandes affaires criminelles non résolues du 20ème siècle.
- La disparition de Grégory
Le 16 octobre 1984, alors qu’il joue devant chez lui, Grégory Villemin, âgé de 4 ans, disparaît. Les gendarmes alertés par sa mère le retrouvent quelques heures plus tard mort noyé dans la Vologne, dans un village voisin. Il a les pieds et les poings liés. L’image de l’enfant sorti de la rivière par un pompier, saisie par un journaliste local, va alors choquer l’opinion publique.
- Un corbeau animé d’un désir de vengeance
Les parents de Grégory, Jean-Marie et Christine Villemin, affirment avoir reçu un coup de téléphone d’un corbeau qui les harcelait déjà depuis plusieurs années, et qui revendique le meurtre de leur fils. Dès le lendemain, le couple reçoit un courrier anonyme, posté le jour du meurtre : "Ton fils est mort, je me suis vengé." Un second courrier est envoyé quelques jours plus tard. "J’espère que tu mourras de chagrin, le chef", est-il cette fois écrit. Ces mots orientent la justice sur la piste d’une jalousie déclenchée par la réussite professionnelle du père de Grégory, notamment au sein de la famille.
- Un cousin du père interpellé
Après des expertises graphologiques sur les lettres, la justice soupçonne Bernard Laroche, un cousin de Jean-Marie Villemin. Il est interpellé en novembre 1984 après le témoignage de sa belle-sœur, qui affirme l’avoir vu emmener Grégory et revenir sans lui. Mais celle-ci convoque la presse le lendemain pour se rétracter et clamer l’innocence de son beau-frère. Inculpé d’assassinat, Bernard Laroche est un temps incarcéré. Il sera finalement remis en liberté le 4 février 1985 après de nouvelles expertises graphologiques qui le disculperont.
Reproduction d'une des lettres de menaces envoyées aux époux Villemin, qui avaient conduit à l'inculpation de Bernard Laroche. Crédit : AFP
- Jean-Marie Villemin tue son cousin
Bernard Laroche est assassiné un mois après sa sortie de prison, d’un coup de fusil, par Jean-Marie Villemin. Ce dernier accusait son cousin d’être le meurtrier de son fils, comme l’explique la journaliste d’Europe 1 qui a couvert l’affaire, Laurence Lacour. "C’est sa conviction et elle n’a sûrement pas évolué" aujourd’hui, affirmait-elle sur Europe 1 en 2014, ajoutant qu’il regrettait toutefois "d’avoir tué un homme". Jean-Marie Villemin sera condamné pour ce crime à quatre ans de prison en 1993. Il sera libéré quelques jours après, ayant purgé l'essentiel de sa peine en détention préventive, de mars 1985 à décembre 1987.
- La mère de Grégory suspectée
En juillet 1985, les soupçons se portent ensuite sur la mère de Grégory quand trois de ses collègues affirment l’avoir vu poster un courrier le jour du meurtre. De nouvelles expertises graphologiques amènent la justice a affirmé que l’écriture de Christine Villemin est celle qui présente "le moins de discordances" avec celle retrouvée sur les lettres anonymes.
Alors enceinte, Christine Villemin est inculpée et emprisonnée en juillet 1985 pour le meurtre de son fils. Elle est mise durant quelques jours en détention préventive. Elle sera totalement innocentée en 1993 au terme d'un non-lieu retentissant pour "absence totale de charges", formule inédite aux accents d'excuse et d'aveu d'erreur judiciaire.
- La réouverture de l’enquête et l’exploration ADN
Depuis, l’affaire était restée au point mort. Les époux Villemin ont fait rouvrir l’enquête à deux reprises, en 2000 et en 2008, pour réaliser des analyses ADN - une technologie qui n’existait pas au moment des faits - sur les courriers du corbeau et les cordelettes qui entravaient le corps de Grégory. Certains mélanges génétiques ont pu être isolés, et ont été comparés avec les prélèvements de 280 protagonistes directs ou indirects figurant dans le dossier. Ces analyses n’ont pas permis d’identifier de suspect. Seule certitude : ces ADN ne sont pas celles des époux Villemin.
- Une vie loin des médias
Aujourd’hui, Jean-Marie et Christine Villemin ont quitté les Vosges pour la région parisienne, où ils ont reconstruit leur vie, entourés de leurs trois enfants. Après l’emballement médiatique qu’a suscité la mort de leur fils, les époux Villemin ont décidé de fuir les médias, comme l’expliquait Laurence Lacour en 2014 : "C’est le silence et l’ombre qui les ont reconstruits donc ils n’ont aucune raison d’en sortir."
©PLD / MM, LS / SR / AFP
Une enquête hors normes
Les gendarmes de Dijon ont d’abord enquêté de 1987 à 1993 sur cette affaire, avant d’être saisis à nouveau en 2008. Le dossier comporte plus de 12.000 pièces, ce qui a nécessité la création d’une cellule nationale d’enquête. La cellule, qui s’est essentiellement portée sur la recherche ADN des scellés, a compté jusqu’à 12 enquêteurs pour cette tâche. 400 prélèvements génétiques ont été effectués sur les protagonistes plus ou moins proches de l’affaire. Une centaine de témoins ont également été interrogés et près de 200 courriers anonymes ont été analysés. Des enregistrements vocaux du corbeau n’ont en revanche pas pu être expertisés en raison de leur mauvaise qualité. Le 24 avril 2013, le procureur général de la cour d'appel de Dijon a présenté les résultats non concluants des dernières analyses ADN et annoncé que le dossier n'était pas clos, mais que d'un point de vue scientifique, "l'espoir" de trouver le coupable "s'éloigne".