Photos de Daech publiées sur Twitter : que risque Marine Le Pen ?

Marine Le Pen
Marine Le Pen © CHARLY TRIBALLEAU / AFP
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La présidente du Front national est visée par une enquête préliminaire, ouverte mercredi soir par le parquet de Nanterre, pour "diffusion d'images violentes".

Malgré son rétropédalage, la procédure est enclenchée. Marine Le Pen est visée par une enquête préliminaire, ouverte mercredi soir par le parquet de Nanterre, pour "diffusion d'images violentes". La présidente du Front national a tweeté mercredi trois photos insoutenables d'exactions commises par le groupe Etat islamique. Elle entendait répondre au journaliste Jean-Jacques Bourdin, de RMC, qu'elle accuse d'avoir dressé un "parallèle" entre son parti et l'organisation Etat islamique. Après avoir assumé dans un premier temps ses publications, Marine Le Pen a retiré celle du corps décapité du journaliste américain James Foley, face à l’indignation des parents de la victime.

Pour quels motifs une enquête a été ouverte ? Une enquête préliminaire pour "diffusion d'images violentes" a été ouverte mercredi soir par le parquet de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. L'enquête vise également le député RBM Gilbert Collard qui a lui aussi diffusé une photo d'une victime de l'EI.

Le parquet de Nanterre a engagé sa procédure sur le fondement de l'article 227-24 du Code pénal. Le texte concerne le fait "de diffuser (...) un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message". Il faut par ailleurs prouver que le message publié est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur. Seuls les journalistes échappent à des poursuites puisque leur diffusion "résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice".

Que risque Marine Le Pen ? L’article sur lequel s’appuie le parquet de Nanterre a été inséré dans le Code pénal par une loi datant d’août 2014, mais qui n’a jamais été appliqué. "Mais il pourrait trouver à s’appliquer dans ce cas, car cet article ne fait pas la différence entre le fait de montrer de telles images pour les dénoncer et le fait de les montrer pour en faire l’apologie", analyse Bernard Lamon, avocat spécialiste en droit numérique, interrogé par France Inter. Si les faits sont établis, Marine Le Pen risque une peine de trois ans de prison et de 75.000 euros d'amende.

Qui a lancé la procédure contre Marine Le Pen ? A la suite de la publication de ces photos, Bernard Cazeneuve a demandé que la police "puisse se saisir de l'affaire" et lui "réserver toutes les suites qui doivent l'être". Le gouvernement a donc adressé un signalement à la police, via la plateforme Pharos de la direction centrale de la police judiciaire. Pharos recueille les signalements de contenus illicites reçus par les internautes comme des images pédopornographiques, jeux illégaux en ligne, tweets racistes ou homophobes, qui peuvent mener à des enquêtes pénales ou à une demande de retrait des photos. Les policiers ont donc constaté l’infraction en réalisant des captures d’écran des tweets de la présidente du Front national, avant de les transmettre au parquet de Nanterre.

Dans quel contexte Marine Le Pen a publié ces photos ? Les images extrêmement violentes ont été publiées en réponse à une interview de Jean-Jacques Bourdin sur RMC. Le journaliste recevait mercredi matin Gilles Kepel, spécialiste du monde arabe, et avait dit pendant l'interview: "Revenons sur Daech. Je voudrais revenir sur les liens... euh... entre Daech et le Front... enfin les liens, pas les liens directs entre Daech et le Front national, mais ce repli identitaire, qui finalement est une communauté... d'esprit, parce que l'idée pour Daech, c'est de pousser la société française au repli identitaire."

Que voit-on sur les photos ? Marine Le Pen a d’abord dénoncé sur Twitter : "le parallèle fait ce matin par Jean-Jacques Bourdin entre Daech et le FN est un dérapage inacceptable. Il doit retirer ses propos immondes". Elle a ensuite posté trois photos accompagnées d'un "Daech, c'est ça!". La première présente un homme vêtu d'une combinaison orange sous les chenilles d'un char. La seconde montre le pilote jordanien, vêtu de la même manière, brûlé vif dans une cage. La dernière est celle du corps décapité de l’otage américain, James Folley, avec sa tête posée sur le dos.