L'objet est strictement interdit en détention mais des milliers de prisonniers l'utilise tous les jours depuis leur cellule. Quelque 31.094 téléphones portables et accessoires (puces, chargeurs), ont été saisis en France en 2015, contre 27.574 en 2014. Malgré un nombre de saisies en constante hausse ces dernières années, les personnels pénitentiaires semblent, pour l'heure, impuissants pour lutter contre ce système bien orchestré. L'administration pénitentiaire assure toutefois que des brouilleurs d'ondes plus performants doivent être installés à partir de l'été dans plusieurs établissements.
Que dit la loi ? Des cabines téléphoniques sont installées dans les couloirs de toutes les prisons. Elles sont accessibles aux détenus, mais les numéros qu'ils composent doivent être identifiés par l'administration pénitentiaire et les conversations sont enregistrées. Résultat : de très nombreux détenus contournent cet obstacle en utilisant des téléphones portables. Pourtant interdits en prison, les mobiles sont un objet courant pour les détenus. Ils servent souvent aux prisonniers pour entrer en contact avec leur famille ou à continuer leur trafic.
Et dans les faits ? L’an dernier, selon les chiffres du ministère de la Justice, 31.094 téléphones, batteries et puces de téléphones portables ont été confisqués à des détenus, soit une augmentation de 13% par rapport à 2014. Cette prolifération des portables en prison semble irrémédiable aux yeux des surveillants pénitentiaires, qui décrivent un système bien orchestré.
La technique du "parachutage". Selon Fabrice Caujolle, délégué du syndicat de surveillants Ufap-Unsa à Béziers, les prisons sont de véritables passoires, grâce à une technique presque imparable : le parachutage. "Quand les colis tombent en cours de promenade, les détenus les ramassent le plus rapidement possible. Les colis sont alors dispatchés au niveau des pieds de bâtiment des cellules, parce qu’à l’aide de draps, les détenus se confectionnent des yoyos, et ils arrivent à tout récupérer. On a beau les fouiller à l’issue de la promenade, ils n’ont plus rien sur eux, tout est déjà remonté dans les cellules", déplore Fabrice Caujolle du syndicat Ufap-Unsa, interrogé par Europe 1. Les surveillants regrettent de ne plus pouvoir fouiller systématiquement les détenus après les parloirs.
Les brouilleurs d’ondes, une solution ? Ils réclament également des brouilleurs d’ondes pour les téléphones. Une proposition soutenue par Jean-Jacques Urvoas, le nouveau garde des Sceaux. "Il faut avoir une technologie particulière" mais "il faut brouiller" les téléphones portables dans les prisons, a-t-il déclaré mardi sur Europe 1.
Depuis 2002, la loi autorise l'installation de brouilleurs d'ondes dans les maisons d'arrêt et centres pénitentiaires. La première prison a avoir été équipée de brouilleurs a été celle de Fresnes, dans le Val-de-Marne, en 2000. Mais depuis, les brouilleurs classiques montrent des limites techniques dans les établissements actuellement équipés. "La complexité architecturale des établissements pénitentiaires perturbe les signaux de brouillage, et la non-évolutivité des technologies existantes les rendent rapidement obsolètes. Il faut en effet changer d’équipement chaque fois qu’une nouvelle fréquence est utilisée par les opérateurs : Edge, 3G, 3G+, 4G, à l’avenir 5G", détaille l'administration pénitentiaire auprès d'Europe 1.
Pour autant, l'administration pénitentiaire n'a pas abandonné l'installation de ces brouilleurs, et compte désormais anticiper les évolutions technologiques, comme l'arrivée de la 5G. "L’installation de nouveaux brouilleurs débutera au plus tard début second semestre. Elle est prévue prioritairement sur les unités dédiées et quartiers des établissements sensibles, soit dans 26 établissements", précise encore l'administration pénitentiaire. En attendant, la Chancellerie reconnaît "un trou d'air", car les brouilleurs sont obsolètes.
Quelles sanctions ? Au-delà de l’idée des brouilleurs d’ondes, le ministère de la Justice assure que l’administration pénitentiaire se montre particulièrement intransigeante avec les détenus en possession d’un portable. Des procédures disciplinaires et judiciaires sont notamment prévues. La Chancellerie ajoute que des fouilles sont entreprises régulièrement.
La dernière réalisée à Béziers mercredi dernier aurait permis de retrouver sept téléphones portables. Plus récemment, seize personnes ont été interpellées lundi par les gendarmes, pour avoir fourni ou s’être procuré des téléphones et de la drogue dans le centre pénitentiaire de Saint-Mihiel, dans la Meuse. Quant au détenu de la prison de Béziers, qui a diffusé en direct sur Internet des images tournées avec son portable en prison, "il est probable qu'il sera sanctionné pour une faute qu'il a commise, ce qui est bien normal", a estimé le ministre de la Justice.