La justice enquête depuis plusieurs mois sur les 900.000 euros versés, à partir de 2010, par la filiale néerlandaise de Renault-Nissan à Rachida Dati, pour une prestation de conseil auprès de l'ancien PDG du groupe, Carlos Ghosn. Dans Le Monde, Fabrice Lhomme et Gérard Davet ont eux aussi enquêté et révèlent ce jeudi d'importants éléments du dossier. Invité d'Europe midi, le journaliste Fabrice Lhomme est revenu sur les points qui interrogent les magistrats. Selon lui, il y a "un double problème" avec le contrat qu'a signé Rachida Dati.
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Les preuves du travail effectué par Rachida Dati manquent
"Il manque beaucoup de choses", commence Fabrice Lhomme. "Les policiers, mandatés par trois juges d’instruction, sont à la recherche de documents qui attesteraient le travail pour lequel Madame Dati a été rémunérée de manière importante", explique-t-il. "Il y a donc un doute sur la réalité des prestations effectués", poursuit le journaliste, qui explique que "peu de traces des missions pour lesquelles elle aurait rempli conformément à son contrat" ont été trouvées.
Eurodéputée, elle ne pouvait pas être en même temps lobbyiste
Second problème : le statut de Rachida Dati. À l'époque de la signature du contrat (2009), l'ancienne garde des Sceaux venait d'être élue eurodéputée. "On la voit intervenir en faveur de Renault mais plus comme une lobbyiste que comme une avocate ou une consultante", explique Fabrice Lhomme. Or, "ce travail de lobbyiste est interdit pour tout parlementaire", rappelle-t-il.
Un contrat signé "de manière opaque et anormale"
Surtout, "ils ont signé l’accord alors que ce n’est normalement pas possible", avance l'enquêteur du Monde. Bien que Rachida Dati ait été rémunérée à partir de 2010 par Renault, le contrat a été signé en 2009. "Nous nous sommes procuré un mail où une collaboratrice de Carlos Ghosn s’interroge et se demande 'comment on va faire pour rémunérer Rachida Dati ?'", relate Fabrice Lhomme. Car à l'époque, l’actuelle maire du septième arrondissement de Paris n'était pas avocate. "On voit bien que ça a été fait de manière opaque et anormale", glisse le journaliste.
Une rémunération anormalement élevée ?
Enfin, l'importance des sommes versées à Rachida Dati, qui réclamait une rémunération de 1.000 euros de l'heure, interroge la Justice. Selon le journaliste du Monde, on observe "un contraste entre l'importance des sommes qui sont versées et la faiblesse des prestations apparentes". Un contraste qui "trouble évidemment les enquêteurs", explique Fabrice Lhomme. Interrogée en octobre 2020 sur le sujet lors du Grand Rendez-vous sur Europe 1, Rachida Dati avait indiqué que "ces chiffres étaient faux".
"Il faut que Rachida Dati puisse se défendre"
Avec tous ces éléments, les juges soupçonnent un emploi de complaisance et des faits pouvant relever du trafic d’influence et de la corruption passive. Les investigations se sont intensifiées cette semaine mais Rachida Dati n’a pas encore été entendue. Son audition est pourtant "obligatoire désormais", explique Fabrice Lhomme, qui a accordé dans son enquête un entretien à l'avocat de l'ancienne garde des Sceaux, Maître Olivier Pardo. "Il y a beaucoup d’éléments qui la mettent en cause et il faut qu’elle puisse se défendre", reconnaît le journaliste. "Ce rendez-vous judiciaire aura forcément lieu dans une échéance plus ou moins brève."