Le réseau international de blanchiment d'argent, issu notamment du trafic de drogue, démantelé lors d'une vaste opération dans plusieurs pays européens la semaine dernière, est "exceptionnel, hors norme", ont souligné mardi à Marseille les magistrats et enquêteurs ayant participé à l'opération. Au-delà des saisies - plus de cinq millions d'euros entre la France et la Belgique, sept kilos d'or, dix kilos de cocaïne et 785 kilos de cannabis - et des interpellations (36 en France, plus de 50 au total), les montants blanchis impressionnent même les enquêteurs les plus spécialisés.
"À ce stade de l'enquête, il a pu être tracé 75 millions d'euros entre août 2015 et novembre 2016", qui ont transité en France par ce réseau, a expliqué le procureur de la République de Marseille Xavier Tarabeux, au cours d'une conférence de presse. "À l'échelle internationale, les estimations que nous pouvons faire portent ces opérations de blanchiment à près de 400 millions d'euros sur les quatre dernières années", a-t-il ajouté.
Un système "Hawala" international. "Je travaille depuis seize ans à Europol et je n'ai jamais vu quelque chose comme ça", a expliqué Pedro Felicio, spécialiste portugais de la délinquance financière. Le système qui a été mis au jour, constitue, d'après les enquêteurs, un véritable réseau bancaire parallèle, un "Hawala" (système traditionnel de paiement informel, dans la culture arabe), dont la tête était au Maroc.
"On est à un niveau au-dessus des réseaux de trafics" de drogue, a mis en avant le procureur Xavier Tarabeux : dans ces cas-là, des collecteurs récupèrent l'argent des trafics et le remettent à un niveau supérieur. L'organisation fonctionne ensuite par "compensation entre les pays", effaçant toute traçabilité tout en limitant les transferts entre pays. L'argent qui est collecté dans un pays est disponible ailleurs sur le territoire ou dans un autre État.
Vingt mises en examen en France. L'enquête a nécessité la coopération des services d'enquête européens, réunis au sein d'une "équipe commune d'enquête" mise sur pied à cette occasion. Tout est parti de l'interception fortuite, par les douaniers, le 10 juin 2015 à Mornas, dans le Vaucluse, d'un véhicule à bord duquel ont été retrouvés 298.000 euros en petite coupure, l'un des multiples transports de fonds du réseau.
En France, l'affaire a donné lieu à 20 mises en examen, 18 mandats de dépôt, un contrôle judiciaire et une personne ayant souhaité un débat différé, ainsi que trois mandats d'arrêts : un au Pays-Bas et deux au Maroc, dont la tête présumée du réseau.