La mesure adoptée mercredi à l’Assemblée vise à corriger l’impuissance des forces de l’ordre lors des contrôles d’identité. Cette impuissance a été mise en lumière à de nombreuses reprises en 2015, après les révélations sur les profils des terroristes projetant de commettre, ou ayant commis, des attentats. La mesure, votée à l'occasion de l'examen du projet de réforme pénale, instaure la création d'une possible retenue administrative de quatre heures après un contrôle d'identité. Elle est censée donner aux policiers le temps de vérifier la situation d'un individu dans le cadre de la lutte antiterroriste.
Comment ça se passe actuellement ? Actuellement, lors d’un contrôle d’identité, les forces de l’ordre ont une marge de manœuvre réduite. Elles ne peuvent pas retenir un individu, encore moins procéder à son arrestation, quand bien même il existe des éléments à charge contre le suspect. Seule exception : les policiers peuvent garder pendant quatre heures un individu qui ne peut pas justifier de son identité.
Quelles sont les failles du système actuel ? Durant l’année 2015 plusieurs attentats ou tentative d’attentat ont montré que les suspects, dont certains étaient fichés S, avaient été contrôlés, sans que les forces de l’ordre puissent intervenir pour les retenir.
C’est notamment le cas d’Amedy Coulibaly, qui avait été contrôlé par la police dix jours avant de commettre les attentats de Montrouge et de la porte de Vincennes, en janvier 2015. Lors de ce contrôle de routine, les policiers avaient constaté qu'Amedy Coulibaly était fiché auprès de l'antiterrorisme. Sa fiche portait la mention "PJ02", ce qui signifie que les agents devaient "s'empresser d'obtenir un maximum de renseignements sans attirer l'attention du suspect, considéré comme dangereux et appartenant à la 'mouvance islamiste'". Amedy Coulibaly était reparti après son contrôle. Et les services antiterroristes prévenus n’avaient pas donné suite.
Que prévoit le texte ?La mesure adoptée mercredi à l’Assemblée vise à instaurer un meilleur suivi des hommes suspectés de terrorisme. Lors d'un contrôle ou d'une vérification d'identité, les forces de l'ordre pourront retenir une personne "lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste". Les forces de l’ordre auront donc le temps de vérifier des fichiers de police ou d'interroger des services à l'origine d'un signalement de l'intéressé. Cette retenue, sur place ou dans un local de police, ne pourra excéder quatre heures. Elle pourra éventuellement déboucher sur une garde à vue.
Quels garde-fous ? Pour éviter toute dérive, le procureur de la République sera informé sans délai d'une telle retenue et pourra y mettre fin à tout moment. En vertu d'un amendement socialiste, il devra donner son accord expresse au préalable pour la retenue d'un mineur. "Le mineur doit également, sauf impossibilité, pouvoir être assisté de son représentant légal", détaille l’amendement.
Face aux critiques sur cette mesure, venant principalement de députés de gauche, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a martelé qu'il s'agissait de pouvoir "prévenir le risque terroriste".