Deux policiers de la compagnie de sécurisation et d'intervention de Seine-Saint-Denis (CSI 93) ont été condamnés pour violences à sept et neuf mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Bobigny. Pour "violence volontaire en réunion par personne dépositaire de l'autorité publique", le tribunal a condamné Riahd B. et Loïc P. respectivement à 18 mois de prison, dont neuf avec sursis, et à 15 mois dont huit avec sursis. Le procureur avait requis deux et un an de prison. Ces peines - inférieures à un an de prison ferme - seront cependant aménagées et ils ne seront pas incarcérés.
"Il n'est pas possible qu'un procès-verbal ne respecte pas la réalité"
Deux autres agents ont été condamnés à six et dix mois d'emprisonnement avec sursis. Les quatre agents, qui avaient comparu début avril pour s'être livrés à une intervention violente à Saint-Ouen en 2019, ont tous été reconnus coupables de faux ou participation à la rédaction d'un faux procès-verbal. Ce document, pour le tribunal, visait à "exclure tout risque pénal à l'encontre des policiers" et à "justifier des interpellations qui ne reposaient pas sur un cadre légal".
Le 30 mai 2019, les quatre policiers de la très controversée compagnie entament le contrôle des identités de personnes qui improvisaient une séance de sport à Saint-Ouen. L'intervention dérape rapidement quand l'un des policiers plaque violemment au sol un homme de 39 ans qui est, ensuite, plusieurs fois frappé au visage à coups de poing. Il en sortira avec dix jours d'incapacité totale de travail (ITT).
Pour avoir voulu filmer avec son téléphone la scène dont il était témoin, un jeune de 23 ans reçoit lui une décharge de taser. Son téléphone, saisi par les fonctionnaires, n'a pas été retrouvé. "Rébellion", "foule hostile", "grands gestes" : les procès-verbaux rédigés à la suite de ce contrôle par les agents de la CSI 93 accablent les deux hommes interpellés. Mais ces rapports vont être démentis par les images de vidéosurveillance de l'épicerie devant laquelle les faits se sont produits.
À la lecture du délibéré jeudi, la juge a déploré ces distorsions de la réalité par les agents et leurs omissions flagrantes. Nulle mention, dans leur rapport, de l'usage du pistolet électrique ni du sac contenant des sachets d'herbe que l'agent Riahd B. a lui-même déposé discrètement au pied de l'homme ensuite passé à tabac.
En énonçant les condamnations, la juge a souligné la gravité de ces dérives policières pour l'ensemble de la chaîne judiciaire. "Vos écrits sont au fondement des dossiers", a rappelé la magistrate, tançant les quatre hommes lui faisant face. "Il n'est pas possible qu'un procès-verbal, sur lequel la justice va se fonder, ne respecte pas la réalité", a-t-elle insisté.