Le 9 janvier dernier, Amedy Coulibaly investissait une épicerie casher de la porte de Vincennes à Paris. L'homme qui se revendique de l'organisation Etat islamique ouvre le feu, tue trois clients et un employé, puis se retranche dans l'Hyper Cacher avec 17 otages. Parmi eux, Alain Couanon. Après avoir entendu les premiers tirs de Kalachnikov du terroriste, il avait trouvé refuge avec d'autres otages dans une chambre froide, au sous-sol du magasin, jusqu'à ce que Coulibaly ne les oblige à remonter.
>> Six mois après ces heures d'angoisses, l'homme est revenu, jeudi, au micro d'Europe 1, sur cette terrible expérience.
Un ex-otage de Coulibaly dans l'Hyper Cacher...par Europe1fr
- Coulibaly vu de l'intérieur de l'Hyper Cacher
Les mois passent mais Alain Couanon se souvient encore des quelques mots que lui a adressé le preneur d'otages. "J'ai vu Coulibaly dans le fond du magasin, où il avait regroupé tous les otages. Et il m'a dit : 'venez monsieur'. 'Monsieur', c'est un mot qui est resté dans ma mémoire. C'est tellement incongru des circonstances pareilles...", raconte-t-il.
"J'ai cherché un endroit pour m'assoir, et le seul que j'ai trouvé était tout de même pénible. Il y en avait un (un otage, Ndlr) qui était en face de moi, affalé contre le mur. Il n'était pas mort quand je suis arrivé. Coulibaly est venu près de nous et nous a dit : 'vous voulez que je l'achève ? Je peux', très naturellement, comme si il nous offrait un café. Moi et les personnes qui étions là avons dit non, puis il est reparti", se souvient l'homme.
Il nous a tous interrogés sur qui nous étions : nom, âge, profession et origine. Il était venu pour tuer des juifs
"Il avait le visage découvert. Il nous a donné son nom. Il nous a dit que c'était lui qui avait tué la policière de Montrouge, qu'il était en lien avec frères Kouachi… C'est bien évident qu'il s'attendait à mourir. Par conséquent, nous, les otages, il ne fallait pas se faire beaucoup d'illusions sur le sort qui nous attendait", raconte encore Alain Couanon. "Il nous a tous interrogés sur qui nous étions : nom, âge, profession et origine. Il était venu pour tuer des juifs", estime-t-il.
- L'assaut du Raid
Après de longues heures à craindre et à côtoyer la mort, vient enfin l'heure de la délivrance : l'assaut du Raid. "A un moment, on a entendu une explosion. Là, j'ai vu Coulibaly qui s'est précipité vers le rideau de fer. Je l'ai entendu crier 'JE VAIS TOUS LES TUER !'", raconte Alain Couanon.
Coulibaly s'est précipité vers le rideau de fer. Je l'ai entendu crier 'JE VAIS TOUS LES TUER !'
"Puis cela a été la mitraillade dans tous les sens. Je me suis dit, 'ça y est les carottes sont cuites, c'est le début de la fin'", confie-t-il. "Et puis on a entendu 'SORTEZ, SORTEZ !'. Les policiers nous ont fait sortir, et on est parti tous en courant, (se mettre) à l'abri derrière un camion de la police", se souvient l'ex-otage.
- La vie d'après
Comment vit-on après une telle épreuve ? Alain Couanon, assure qu'il va bien, que cet épisode n'a pas affecté sa vie, comme un ultime pied de nez au terrorisme. "Ce sont des choses que je n'oublierai jamais. Mais je n'ai pas d'effet traumatique dans le sens ou cela affecterait ma vie quotidienne en m'empêchant de dormir, en me faisant faire des cauchemars en me donnant des peurs comme prendre le métro ou d'entrer dans un magasin", assure-t-il.
Je suis retourné dans le magasin casher
"Je suis même retourné dans le magasin casher. Pour moi, il n'y a pas de crainte magique du lieu. Ce n'est pas parce que j'ai failli mourir là que je risque d'y mourir une deuxième fois".