Depuis le mois de mars, l'épidémie Ebola frappe plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest. Elle a tué près de 1.200 personnes, c'est 60% des personnes infectées. Si le manque d'infrastructures et de personnel soignant explique les difficultés à enrayer la diffusion du virus, les rumeurs handicapent considérablement le travail des ONG sur place.
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Une "maladie de Blancs". Les origines de la maladie sont le premier objet de fantasmes. Le plus puissant veut qu'Ebola soit une "maladie d'hommes blancs". Pire, la maladie serait le fruit d'un complot en vue de faire du mal à l'Afrique. La "découverte" d'un serum expérimental aux États-Unis n'a fait que renforcer cette croyance. Cette croyance tenace explique qu'au Liberia, certains convois humanitaires aient été attaqués à la machette lors de la traversée de villages infectés.
Une arme de sorciers. La géographe Sylvie Brunel explique au journal Le Monde une autre rumeur sur Ebola : "La magie est la façon dont la perception de la maladie pourrait être résumée. L'ampleur persistante des pratiques occultes en Afrique, y compris en milieu urbain, entoure Ebola d'une aura maléfique. Les manifestations de la maladie sont si effrayantes, avec ses éruptions cutanées, ses hémorragies, ses vomissements et ses diarrhées sanglantes, qu'elle s'apparente à de la sorcellerie".
Ça ne date pas d'hier. Lors d'une épidémie d'Ebola en 2003 au Congo, pour les populations des zones concernées par la maladie, le virus était déjà vu comme "une puissante arme utilisée par les sorciers pour détruire les gens". Les crieurs publics des villages s'étaient pourtant appliqués à annoncer que : "La Croix-Rouge ne s'est pas entendue avec les Blancs pour vous tuer".
Une "punition divine". Même si dans certains pays comme au Togo ou au Nigeria, les responsables religieux collaborent avec les autorités pour lutter contre la maladie, au Liberia, le conseil des Églises, réunie le 7 août, a affirmé qu'Ebola était une "punition divine face aux comportements immoraux, comme l'homosexualité, qui pénètrent le pays". Les solutions apportées par la centaine d'hommes d'Église et qui vont être proposées au gouvernement : prières, repentance et jeûne pendant trois jours.
Une recette de cuisine ? Non, mon remède contre Ebola. Autre recette magique, l'utilisation d'un mélange d'eau, de sel et de jus de citron, censé protéger du virus, a rencontré un certain succès au Togo. Les autorités sanitaires ont été obligées de démentir l'efficacité de ce mélange et de rappeler les règles hygiéniques de base.
Sur Facebook, un autre remède recommandé par "un chercheur africain" consiste à faire manger au patient le mélange suivant : "Un oignon bien écrasé ou pilé, on y ajoute une cuillerée à café de lait concentré et une cuillerée à café de poudre de Café (Nescafé)". La recette a été partagée près de 25.500 fois. En l'espace d'une dizaine de jours au Bénin, la population s'étant ruée sur le soi-disant remède, son prix a doublé. Le démenti du ministère de la Santé n'y a rien fait. Au Mali, il y a carrément une pénurie du condiment.
La recette à l'oignon a été partagé près de 25.500 fois sur Facebook.
Ebola est dans l'air. Des hôpitaux qui se vident de leur personnel soignant, des familles qui refusent de livrer les leurs aux hôpitaux, des malades emmurés vivants ? La peur qui entoure Ebola provoque des croyances irraisonnées et notamment, celle qui veut qu'Ebola flotte dans l'air. C'est la bonne vieille théorie des miasmes, autrement dit l'air "infecté", battue en brèche au 19ème siècle par la médecine occidentale quand elle a découvert les microbes.
Au Libéria, la Croix-Rouge peine à faire venir les patients dans les hôpitaux pour d'autres raisons : "Il y a toutes sortes de rumeurs qui circulent, comme quoi nous volons des reins, nous prenons le sang des gens, nous les aspergeons avec un produit qui les tue", explique à France 24 le docteur Musa Zuanah, le directeur du Tellewoyan Memorical Hospital.
En réalité, seuls les fluides biologiques propagent la maladie, surtout le sang, le vomi et les excréments. La salive et la sueur sont moins concernées.
La Chine, le "pompon" de la rumeur. Pour une partie des Chinois, Ebola, c'est "la maladie du zombie". Sur leurs réseaux sociaux, la rumeur a enflé. Un message explique, par exemple, que les victimes, en apparence mortes, "se réveillent sans prévenir après plusieurs heures ou plusieurs jours, et entrent dans un état de violence extrême où elles mordent n'importe quel objet mouvant, y compris les animaux et les hommes". L'agence de presse Xinhua a été obligée de démentir, expliquant que comme les victimes d'Ebola perdent du sang, elles ne peuvent devenir plus agressives mais bien au contraire, elles s'affaiblissent.
Des escrocs profitent aussi du net pour proposer des remèdes miracles, via des mails placés "sous le haut-parrainage du ministère de la santé canadienne". Contre espèces sonnantes et trébuchantes, il est possible de recevoir à la maison un traitement pour guérir ou prévenir la maladie.
Au sortir d'un maternité en Côte d'Ivoire, une affiche d'information pour la population.
Le vrai remède ? Informer. Quasi absence de télé, peu de radios et encore moins de presse … les villages des régions rurales d'Afrique de l'Ouest souffrent d'un manque important d'information sur la maladie.
Les ONG et les personnels soignants du cru n'ont donc d'autres choix que de faire de la pédagogie, d'autant plus que leurs préconisations vont à l'encontre des coutumes locales (ne pas se serrer la main, enterrer au plus vite les morts). La Croix Rouge et le Croissant Rouge mettent un maximum en avant leurs bénévoles locaux. Issus des communautés, parlant leurs langues, c'est par eux que le message passe le mieux.
Les ONG n'hésitent pas aussi à consulter les "sages", c'est-à-dire les anciens des villages pour faire passer leurs messages auprès des familles. Enfin, une des solutions est de faire témoigner les survivants sur les bienfaits d'un séjour à l'hôpital.
Il est aussi important de ne pas ignorer les rumeurs, mais au contraire de les prendre en compte pour mieux les combattre. Lors de l'épidémie d'Ebola au Congo en 2003, l'OMS, devant l'impossibilité de communiquer avec les populations locales, avait fait appel aux services d'un anthropologue.
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