L'épidémie du virus Ebola qui touche depuis mars l'Afrique de l'Ouest, a fait 1.229 morts. Alors que la situation en Guinée est rassurante et que le Nigeria maîtrise la seule chaîne de transmission détectée, la situation au Liberia est inquiétante. Le pays, situé en bordure du golfe de Guinée, voisin de la Côte-D'ivoire, de la Guinée et de la Sierra Leone, concentre 53 des derniers 84 morts et 48 des 113 nouveaux cas détectés en Afrique de l'Ouest. Depuis le début de l'épidémie, c'est aussi au Libéria qu'on comptabilise le plus de décès (466).
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Aveu d'un échec. Lors d'un discours radiotélévisé mardi soir, la présidente n'a pas caché son impuissance "à maîtriser la maladie à cause de déni persistant, de pratiques funéraires traditionnelles, et du non-respect de l'avis des personnels de santé et des mises en garde du gouvernement".
Les préconisations des médecins vont en effet à l'encontre des pratiques locales. Alors qu'il faudrait éviter tout contact avec les cadavres et les enterrer au plus vite, la coutume est de veiller le mort plusieurs jours et de le toucher pour lui dire au revoir. Des gestes de salutation comme celui de se serrer la main sont désormais déconseillés, ce qui peut choquer certaines communautés.
La maladie n'existe pas. C'est dans le quartier West Point à Monrovia qu'a eu lieu dimanche l'attaque d'un centre d'isolement par des jeunes armés. Ils ont provoqué la fuite de 17 malades d'Ebola et ont pillé les lieux, encourant le risque de se contaminer eux-mêmes. Si les patients ont depuis été retrouvés, les propos tenus par les assaillants visaient la présidente Ellen Johnson Sirleaf et niaient la présence d'Ebola dans le pays.
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Trop peu de médecins. Le Libéria accumule les circonstances défavorables selon Cyprien Fabre, responsable du bureau d'aide humanitaire de l'UE pour l'Afrique de l'Ouest, dont la première est "le nombre de médecins ridicule par rapport à la population". Selon les chiffres de l'OMS, on compte au Libéria 0,1 médecin pour 10.000 habitants contre 1 en Guinée, 9 au Nigéria et 2,6 en moyenne pour toute l'Afrique. Au moment où l'épidémie a frappé le pays, seuls 50 médecins y officiaient pour quasiment 4 millions d'habitants.
Des hôpitaux qui ferment. Déjà affaiblies par des décennies de guerre civile, les structures hospitalières du Libéria sont aussi handicapées par la peur qui règne chez le personnel médical. Une partie des infirmières et médecins ayant été contaminée, ceux encore épargnés ont peur de venir sur leur lieu de travail. Plusieurs hôpitaux de la capitale ont d'ailleurs fermé, provoquant le mécontentement des Monroviens qui ne peuvent plus se faire soigner pour les autres maladies régnant au Libéria comme la malaria ou le paludisme.
Un soldat libérien à un chekpoint du comté de Bomi, limitrophe de la capitale Monrovia.
La capitale touchée. Contrairement à la Guinée où ce sont essentiellement les zones rurales et des villes moyennes qui sont touchées, au Libéria, c'est la capitale Monrovia et ses 1,3 million d'habitants qui sont désormais concernés par l'épidémie. Les autres zones touchées sont toutes densément peuplées et sont limitrophes de la Guinée et de la Sierra Leone.
Ce qui a fait dire au docteur Joanne Liu, directrice de Médecins sans frontières de retour d'une tournée dans les pays touchés, que "nous avons une totale défaillance des infrastructures. Si on ne stabilise pas la situation au Liberia, on ne stabilisera jamais la région". Elle en appelé à "une nouvelle stratégie" car "l'Ebola n'est plus confiné seulement dans quelques villages, il se propage dans une ville d'1,3 million d'habitants, Monrovia".
Des croyances religieuses qui font du mal. Au Togo et au Nigeria, les autorités religieuses travaillent main dans la main avec l'État afin de lutter contre Ebola. L'archevêque d'Abuja au Nigeria a par exemple décidé de ne plus donner l'hostie sur la langue et de bannir les poignées de main des églises.
Au Libéria, le conseil des Églises, réuni le 7 août, a préféré affirmer qu'Ebola était une "punition divine face aux comportements immoraux, comme l'homosexualité, qui pénètrent le pays". Plutôt que des règles d'hygiène, ils préconisent aux fidèles la prière, la repentance et le jeûne.
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Le difficile confinement des zones infectées. Face à cette situation inquiétante, la présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf, a décrété qu'à partir de mercredi soir, un couvre-feu, de 21 heures à 6 heures, devra être appliqué dans deux quartiers urbains, West Point dans la capitale Monrovia et Dolo Town dans la province de Margibi. Les vidéos-clubs et centres de loisirs devront aussi fermer à partir de 18 heures, a-t-elle annoncé dans un discours radio-télévisé.
Ces deux quartiers sont aussi placés "en quarantaine et sous surveillance sécuritaire. Cela signifie qu'il n'y aura pas de déplacements vers et hors de ces zones", a précisé la présidente. L'annonce a provoqué la colère à West Point où la population a jeté des pierres sur le cordon militaire qui l'entoure. Selon des témoignages locaux, les commerçants du quartier en ont profité pour doubler le prix de leurs marchandises. La situation a dégénéré mercredi quand des policiers sont venus évacuer une représentante de l'Etat résidant dans le quartier avec sa famille. Les soldats ont ouvert le feu, blessant quatre personnes. Aucun bilan de source médicale n'a pu être obtenu dans l'immédiat sur l'état des blessés, qui ont été évacués.
Aux grands maux, les grands moyens, le coordinateur de l'ONU pour Ebola, le docteur David Nabarro a annoncé vouloir mobiliser 7.500 Casques bleus au Libéria pour lutter contre la maladie. Fin juillet déjà, la fermeture des écoles, la mise en congé des fonctionnaires jugés non essentiels et l'accès limité à la capitale avaient déjà été décidé.
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