A son arrivée, la foule l'attendait. L'opposant Mohamed ElBaradeï a rejoint dimanche soir les milliers de manifestants, réunis place Tahrir, au Caire, pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis trente ans. L'Egypteest "au début d'une ère nouvelle", a lancé le Prix Nobel de la Paix 2005, avant d'ajouter : "nous sommes sur la bonne voie (...) notre force est dans notre nombre".
"Nous avons une exigence principale : la fin de ce régime et le début d'une nouvelle phase, d'une nouvelle Egypte", a poursuivi l'ancien directeur général de l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA), revenu jeudi dernier en Egypte. "Je m'incline avec respect devant le peuple d'Egypte. Je vous demande de la patience, le changement interviendra dans les tout prochains jours", a-t-il promis.
"Mettre fin à la perfusion du dictateur"
Dans une série d'interviews accordées du Caire à des chaînes de télévision américaines, ElBaradeï a exhorté les Etats-Unis à soutenir les manifestants et à mettre fin à la "mise sous perfusion du dictateur". "Il vaut mieux pour le président Obama qu'il n'apparaisse pas être le dernier à dire au président Moubarak 'Il est temps pour vous de partir'", a ainsi lancé ElBaradeï sur CNN.
Les Etats-Unis ont justement franchi un pas dimanche en allant au-delà de leurs habituels appels à "la retenue" des forces de l'ordre. La Maison blanche s'est ainsi déclarée favorable à une "transition vers un gouvernement répondant aux aspirations du peuple égyptien". "Nous demandons instamment au gouvernement Moubarak, qui est toujours au pouvoir (...), de faire ce qui est nécessaire pour faciliter ce genre de transition", a renchéri Hillary Clinton. La chef de la diplomatie américaine a d'ailleurs jugé "insuffisants" les changements du personnel politique annoncés ce week-end par le président Hosni Moubarak.
L'exercice est délicat pour la diplomatie américaine, Moubarak étant un important allié stratégique des Etats-Unis depuis trente ans.
"Mandaté par le peuple"
Cette position inédite des Etats-Unis est une petite victoire pour ElBaradeï. Le possible candidat à la prochaine élection présidentielle égyptienne, avait d'emblée rejeté la timidité des Etats-Unis qui, dans un premier temps, avaient seulement invité Moubarak à entreprendre de profondes réformes en réponse aux manifestations contre son régime qui ont déjà fait une centaine de morts.
ElBaradeï semble décidé à assumer le leadership de l'opposition. "J'ai été autorisé - mandaté - par le peuple qui a organisé ces manifestations et beaucoup d'autres parties afin de convenir d'un gouvernement d'unité nationale", a t-il ainsi expliqué sur CNN, ajoutant qu'il espérait "entrer bientôt en contact avec l'armée", qui joue un rôle essentiel en Egypte depuis plus d'un demi siècle.
Un peu plus tôt, un dirigeant de la confrérie islamiste des Frères musulmans avait annoncé que des forces d'opposition s'étaient mises d'accord pour appuyer ElBaradeï afin qu'il négocie avec le gouvernement du Caire.