Les chances d’Obama de conserver la majorité étaient faibles pour ces élections de midterm (mi-mandat). Les résultats du scrutin ont confirmé le vote-sanction et la victoire des Républicains qui deviennent majoritaires au Sénat, ont désormais le contrôle de toutes les assemblées parlementaires ( Chambre des représentants, Sénat, et l'addition des deux, le Congrès). La fin de règne du président américain pourrait donc s’intituler "Barack Obama et la cohabitation".
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• Peut-on parler d’une cohabitation à la française ?
Pour répondre à cette question, il faut "parler trois secondes de droit constitutionnel", explique pour Europe 1 Laurence Nardon, responsable du Programme Etats-Unis de l’Ifri (Institut français des relations internationales). En France, "nous nous trouvons dans une démocratie parlementaire", alors que les Etats-Unis abritent un régime plus présidentiel. Un changement de majorité au Parlement n'implique donc pas de changement de gouvernement, comme cela a pu être le cas en France lors de la cohabitation Chirac-Jospin.
Pour autant, certaines nominations, comme celles des juges de la Cour suprême, doivent obtenir l’aval des congressmen, les députés américains. Cela va être problématique pour la succession annoncée de l’une des neuf juges. Barack Obama "devra sans doute choisir quelqu’un de plus modéré" que la magistrate démocrate pour assurer cette succession dans la plus haute juridiction du pays.
• Barack Obama va-t-il devoir changer son mode de gouvernement ?
Mais comme en France, il va être plus difficile pour Barack Obama de faire passer des lois avec des députés américains majoritairement contre lui. Mais la situation ne va pas radicalement basculer dans la nuit de mardi à mercredi, note Laurence Nardon : "Le Congrès est déjà quasiment républicain", depuis le passage de la Chambre des représentants dans le giron républicain il y a quatre ans.
En revanche, avec 51 sièges sur 100, le camp républicain n'a pas obtenu la majorité qualifiée au Sénat – 60 sièges –, Les sénateurs ne pourront donc pas pratiquer l’obstruction parlementaire et empêcher Barack Obama de faire passer des lois. En effet, la Constitution autorise le président à légiférer par "décret exécutif", l'équivalent d'une ordonnance en France. Seule contrainte pour Obama dans ce cadre, il faut que ce décret s'inscrive dans la veine d'une loi déjà actée. Impossible pour lui d'agir dans un domaine qui n'a pas déjà été couvert par la loi.
Cette cohabitation à l’américaine n’a rien d’inhabituel. Avant lui, George W. Bush, Bill Clinton et Ronald Reagan ont perdu le soutien du Congrès lors de ‘midterms’. Barack Obama a eu le temps de préparer son plan de bataille. Au moment de sa réélection en 2012, il avait déjà prévenu que son second mandat se déroulerait sous le signe du décret.
Il lui reste pourtant du pain sur la planche : réforme de la politique migratoire, législation sur la lutte contre le réchauffement climatique, hausse du salaire minimum, … "On sait depuis un moment qu’il ne passera plus de grand projet de loi", relativise toutefois Laurence Nardon. Obama a déjà donné le ton sur l'immigration. "Il avait promis un énorme nouveau projet de loi pour régler le problème", rappelle la spécialiste, mais il a préféré la version a minima en s'occupant de la question par décret.
• Les républicains vont-ils déterminer de la politique du pays à la place des démocrates ?
L’opposition conservatrice va prendre la main sur l’appareil législatif américain. Vont-ils pouvoir faire passer toutes les propositions de loi qui les chantent ? Théoriquement, oui. Sauf que Barack Obama dispose d’un efficace bouclier : le veto. Le président peut ainsi empêcher l’application des lois républicaines.
Mais de toute manière, l’opposition n’a aucun intérêt et ne pourra sûrement pas s’opposer frontalement à la politique démocrate et passer des lois trop ambitieuses. Tout d’abord, le parti conservateur en lui-même est divisé entre une frange modérée et les plus radicaux, parmi lesquels les parlementaires affiliés au fameux Tea Party. Mais ces derniers "sont en perte de vitesse", analyse Laurence Nardon. Les "républicains ne proposeront donc pas de proposition de loi outrancière", prédit la spécialiste.
S’ils tentent de faire passer des mesures impopulaires, leur candidat "devra en répondre" en 2016, au moment de l’élection présidentielle. L’opposition a tout intérêt à être "dans le compromis" plutôt que d’être "totalement dysfonctionnelle" pour gagner le véritable scrutin qui compte.
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Nicole Bacharan: "Barack Obama est de plus en...par Europe1fr