Les effets néfastes de la crise n’en finissent plus de se faire sentir en Grèce. L’un d’entre eux se caractérise par des envies d’ailleurs de la population grecque, en particulier des jeunes diplômés, confrontés à un chômage galopant. En juillet, le nombre de demandeurs d’emplois a en effet grimpé jusqu’à 17,2% de la population active, une proportion qui monte au chiffre impressionnant de 43,5 % pour la tranche des 15-24 ans. Pour cette même catégorie, ce chiffre était de 32,6% un an plus tôt. Selon les dernières données de l’Autorité grecque de la statistique (Elstat), 810.800 chômeurs briguent les… 47.000 emplois à pourvoir.
Dans ces conditions, le salut se trouve donc à l’étranger pour beaucoup de jeunes Grecs. Car ces trente dernières années, c’était d’abord la fonction publique et les universités qui recrutaient ces profils. Or, la cure d’austérité a pour conséquence que neuf départs à la retraite sur dix ne sont pas remplacés dans la fonction publique. Et le secteur privé, majoritairement composé de PME et tourné vers le tourisme et les services, n’est dans l’ensemble d’aucun secours.
Les demandes de visas en hausse
Il est actuellement difficile, en l’absence de données chiffrées officielles, de quantifier le phénomène. "Comme la crise a empiré, que les dernières espérances ont disparu, on peut attendre effectivement une augmentation pour 2011, année pour laquelle nous ne possédons pas encore de données chiffrées", explique pour europe1.fr Jonathan Chaloff, spécialiste des migrations à l’OCDE. "C’est très difficile en Europe de relever les émigrations communautaires. En outre, souvent, les gens qui partent ne laissent pas de trace de leur départ dans les statistiques grecques, qui sont plutôt faibles."
Mais certains indicateurs confirment la tendance. Ainsi, au 15 septembre, selon le quotidien grec anglophone Athens News, 53.000 Grecs avaient déjà posé leur candidature pour un visa de travail aux Etats-Unis, contre 48.000 en 2010. Les heureux élus seront désignés par tirage au sort. Par ailleurs, l’ambassade d’Australie en Grèce a fait état d’un nombre inhabituellement élevé de demande d’information pour obtenir un visa. Actuellement, une centaine de Grecs partent aux antipodes chaque année. Ce chiffre pourrait bientôt exploser, d’autant que l’île a prévu d’augmenter son immigration du travail, de 170.000 à 185.000 mouvement annuels en 2012. Enfin, 50.000 jeunes diplômés ont envoyé leur CV sur le portail européen de recherche d’emploi, Europass.
Ionnis Nanos, 27 ans, a regagné la Grèce en 2009 après deux années d’étude aux Pays-Bas, mais faute d’emploi, il est reparti à l’étranger. "Parmi mes amis restés en Grèce, il y a ceux qui travaillent mais cherchent à partir parce qu’ils sont trop mal payés, et ceux qui cherchent à partir parce qu’ils n’ont pas de travail", résume pour Europe 1.fr ce jeune Grec, qui travaille au Luxembourg dans le secteur financier. Aujourd’hui, le jeune homme a le mal du pays. "Depuis la fin 2010, je cherche du travail pour rentrer en Grèce, mais je ne trouve rien", soupire-t-il. "Ma famille, mes amis, la météo aussi, tout cela me manque, mais pour l’instant je ne peux pas rentrer."
"Les personnes qui partent ne reviennent quasiment jamais"
Et puis il y a ceux qui hésitent à rentrer. "Ce qui est très probable, c’est que les Grecs qui se trouvent déjà à l’étranger, pour étudier par exemple, ne rentreront pas", confirme Jonathan Chaloff. A la Fondation hellénique de Paris, qui regroupe à la cité universitaires des étudiants grecs, on confirme cette hésitation à rentrer au pays.
Pour l’heure pourtant, la fuite des cerveaux n’a pas encore atteint un niveau préoccupant, d’autant que le phénomène est courant pour des pays frappés par la crise. "On avait vu en Irlande ou dans les pays baltiques des émigrations très importantes dés le début de la crise, ce qui n’est pas le cas de la Grèce", rappelle Jonathan Chaloff, de l’OCDE, qui avant comme raison de cette différence la barrière de la langue, le manque de réseaux ou encore le soutien des familles, traditionnelles en Grèce. Mais le danger est bien réel pour 2011. Et le phénomène est catastrophique pour un pays. "Les personnes qui partent ne reviennent quasiment jamais", explique Jonathan Chaloff. "C’est très difficile de réattirer des cerveaux qui se sont enfuis", conclut l’analyste.