Mercredi, aux alentours de midi, des assaillants ont ouvert le feu sur des touristes qui se dirigeaient vers le musée du Bardo, à Tunis. Les hommes en équipement militaire les ont ensuite poursuivis à l'intérieur du bâtiment où se trouvaient au moins une centaine de touristes. Bilan de l'attaque : 20 morts, dont 18 touristes parmi lesquels deux Français.
Cette attaque terroriste est la plus sanglante depuis celle de la synagogue de Djerba en avril 2002. Revendiqué par Al-Qaïda, elle avait fait 21 morts, pour la plupart des touristes allemands et français. Mais depuis la chute du président Ben Ali en 2011, les attentats se sont multipliés et la situation sécuritaire s'est dégradée dans le pays. Pour l'heure, aucun groupe terroriste n'a revendiqué l'attaque de mercredi.
Plusieurs attentats par an. Depuis 2012, on compte une demi-douzaine d'attentats par an, la plupart du temps commis par des groupes islamistes. Parmi les plus marquants, on se souvient notamment des assassinats en 2013 de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi. Les deux hommes politiques s'étaient illustrés par leur opposition au parti islamiste Ennahda, arrivé au pouvoir lors des premières élections démocratiques. Ces deux meurtres revendiqués par des djihadistes ont suscité une colère populaire qui a entraîné la chute d'Ennahda.
Des frontières poreuses pour les terroristes. Interrogé sur Europe 1, le ministre tunisien des Affaires étrangères a réfuté le terme de "lutte armée" pour parler des troubles sécuritaires en Tunisie. Selon lui, "il y a des velléités terroristes et quelques cellules dormantes". "Des armes ont profité de la période transitoire [qui a suivi la chute de Ben Ali en 2011] pour passer les frontières", a-t-il continué. L'armée, laissée de côté au profit de la police selon le spécialiste Mohamed Sifaoui, repousse difficilement les menaces des bases arrières d'Aqmi dans le sud et le nord-est de l'Algérie.
Mais ces derniers mois, la détérioration de la situation en Libye a renforcé la menace terroriste qui pèse sur la Tunisie. D'après Didier François, spécialiste des questions de terrorisme sur Europe 1, "il y a une porosité dans les combats [entre les pays frontaliers] et une crainte réelle pour la Tunisie d'avoir une guerre civile à sa frontière" avec la Libye, où les groupes terroristes profitent de l'instabilité pour s'installer.
Des djihadistes tunisiens participent d'ailleurs aux combats au sein de brigades islamistes libyennes. Par ailleurs, 2.000 à 3.000 Tunisiens sont engagés dans les groupes djihadistes en Irak et en Syrie. Le pays fournit le plus gros contingent de combattants étrangers dans ces pays. 500 djihadistes seraient rentrés en Tunisie et sous étroite surveillance des services de renseignements.
Une recrudescence de la répression. D'après le journaliste Didier François, le gouvernement islamiste d'Ennahda avait laissé relativement de côté la lutte antiterroriste. Mais, "il y a eu 400 arrestations depuis le mois de février" depuis l'élection du nouveau gouvernement d'Habib Essid. Récemment, les groupes terroristes en Tunisie ont subi plusieurs revers, rappelle Didier François. Depuis la semaine dernière, trois caches d'armes ont été découvertes, quatre cellules terroristes démantelées, 22 personnes arrêtées et une trentaine d'autres interpellées dans une autre affaire du côté de la frontière avec la Libye. Ahmed Rouissi, le chef des djihadistes tunisiens en Libye, impliqué dans les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, a été tué dans les combats la semaine dernière à Syrte en Libye.
Des messages menaçants. Mais la Tunisie reste une cible de choix pour les groupes terroristes. Ces dernières semaines, plusieurs messages de djihadistes, proches du groupe Etat islamique ou d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, ont appelé à frapper la Tunisie. Un tweet posté il y a deux jours sur un compte suivi par de nombreux sympathisants djihadistes sonne comme une annonce après l'attaque du Bardo. Le message prédisait "une bonne nouvelle pour certains" et une "mauvaise pour les lâches", en parlant de la Tunisie. Un autre message vidéo a été partagé la veille de l'attaque, présentant un djihadiste tunisien connu qui parlait de la Tunisie comme d'un "terrain de djihad". Pour l'heure, rien ne permet de dire que ces menaces ont un lien avec l'attaque du musée du Bardo.
Retrouvez l'analyse de Didier François et de Mohamed Sifaoui dans le Club de la presse d'Europe 1
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