L'Europe s'active pour l'Espagne, au centre de toutes les attentions ce week-end. Les États de la zone euros acceptent de casser la tirelire. Les ministres des Finances de l'Eurogroupe ont en effet tenu samedi de 16h à 18h30 une réunion téléphonique très attendue, à laquelle participait également la directrice du FMI, Christine Lagarde. Au cœur des discussions : un plan de sauvetage pour l’État espagnol, qui doit servir à renflouer ses banques asphyxiées par leur exposition à un marché immobilier en ruine.
La zone euro prête à mettre 100 milliards
L'Espagne a en effet officiellement demandé de l'aide samedi. "Cet appui financier sera dirigé vers le fonds public espagnol d'aide à la banque, le Frob. Le Frob injectera cet argent dans les banques qui le demandent", a déclaré le ministre de l'Economie Luis de Guindo, lors d'une conférence de presse. Le ministre refuse toutefois de donner un chiffre précis pour cette aide et confirme qu'en échange, il n'y a aucune condition de réformes économiques "hors du domaine du secteur financier".
Une autre source a déclaré que Madrid réclamera le versement des fonds après avoir "connu les résultats d'audits de son système bancaire permettant de mieux connaître les besoins de recapitalisation."
Le montant de l'aide que les États de la zone euro sont prêts à débourser s’élève à 100 milliards d'euros, par l'intermédiaire du FESF et du MES, selon un communiqué paru après la conférence. Le prêt n'exigera pas d'austérité, selon cette source. Et le FMI jouera un rôle de surveillance de ce plan d'aide, mais n'y participera pas sur le plan financier, comme cela a été le cas pour les trois précédents pays de la zone euro qui ont bénéficié d'un sauvetage, la Grèce, l'Irlande et le Portugal. Christine Lagarde a d'ailleurs salué un accord "cohérent" et assure que le FMI "se tient prêt" à jouer son rôle.
Moscovici salue un "signal fort de solidarité"
"Je salue, comme les autres collègues de l'Eurogroupe, la détermination du gouvernement espagnol à procéder à la recapitalisation des banques, et par le biais de ce programme, d'avoir recours au fonds de secours européen (FESF) ou au fonds de sauvetage (MES) avec les conditions correspondantes", a déclaré le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble. "L'Espagne a pris des mesures fortes pour contrôler ses problèmes économiques et financiers", a-t-il ajouté, justifiant la non mise en place d'une cure d'austérité. Interrogé sur le fait de savoir si cette demande d'aide serait à son avis la seule pour l'Espagne, Wolfgang Schäuble a répondu : "je pars du principe que oui. Car l'Espagne est d'une façon générale sur la bonne voie". Et d'ajouter : "elle a pris de grandes mesures structurelles".
"C'est un bon accord, c'est un signal très fort de solidarité", a quand à lui affirmé le ministre des Finances français, Pierre Moscovici, précisant avoir "insisté pour que les conditions soient strictement cantonnées au secteur bancaire" espagnol et ne comportent pas de "politiques d'austérité".
Même les États-Unis se sont "réjouis" de cet accord. "C'est important pour la santé de l'économie espagnole et c'est un pas important sur la voie d'une union financière, qui est vitale pour la résistance de la zone euro", a en effet écrit samedi soir Timothy Geithner, secrétaire américain au Trésor américain.
Madrid a fait volte face
Jusqu'ici, Madrid s'était refusé à lancer un appel à l'aide par crainte de se voir imposer, comme la Grèce, un programme qui irait de pair avec des conditions strictes dictées par ses bailleurs de fonds internationaux. En bref : elle refusait l'aide si celle-ci s'accompagnait d'une cure d'austérité imposée. L'Espagne militait plutôt pour un plan d'aide européen versée directement aux banques, et non à l'Etat, ce qui lui aurait évité une mise sous tutelle.
Le calendrier s'est accéléré quand le FMI a révélé vendredi soir que les besoins de recapitalisation des banques espagnoles s'élevaient à au moins 40 milliards d'euros. Et qu'elles auront vraisemblablement besoin de plus, pour s'assurer de l'existence d'un "pare-feu crédible" dans le pire des scénarios.
La seule contrepartie exigée du gouvernement espagnol serait qu'il "assainisse le secteur financier", selon une des sources gouvernementales européennes interrogées. Ce qui devrait contenter le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy, qui doit composer avec un chômage de masse et un dérapage des comptes publics.
Une source européenne avait également expliqué ces derniers jours qu'"une partie de la condition pourrait concerner la législation bancaire", qui comporte des particularités comme des prêts personnels d'une durée de 50 ans.