L’INFO. On n’est jamais mieux servi que par soi même. Le dicton peut très sûrement s’appliquer aux décisions que sont en train de prendre le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (BRICS) lors de leur sommet annuel qui se déroule lundi et mardi à Fortaleza, au Brésil. Lassés d’attendre une réforme du FMI qui leur donnerait un poids politique plus en phase avec leur importance économique, les cinq pays ont finalisé le lancement de leur propre banque d’investissement internationale et d’un fonds de stabilité qui leur permettra d’encaisser les chocs monétaires liés au dollar.
Les BRICS, c’est quoi ? A la base simplement créé par la banque Goldmans Sachs pour parler des économies émergentes, l’acronyme a pris de l’importance quand, en 2006, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a voulu en faire une force politique sur la scène internationale.
D’abord dans des réunions informelles en marge de l’assemblée générale des Nations-Unies, puis dans des sommets officiels, les cinq économies émergentes se sont retrouvées pour parler de gouvernance économique, mais aussi de sécurité internationale et d’environnement.
Quel poids ont-ils ? Sur le strict plan démographique et économique, les cinq pays ne dominent pas encore le monde, mais représentent les forces en devenir. Ils concentrent à eux seuls 42% de la population mondiale, mais déjà 21% du PIB mondial et 15,5% du commerce international.
Problème, dans la plupart des institutions mondiales, ils n’ont encore qu’un poids limité. Aux Nations-Unies, seule la Chine et la Russie disposent d’un pouvoir important puisqu’elles sont présentes à la table du conseil de sécurité de l’institution. Dans les institutions financières, FMI et Banque mondiale en tête, ils ne sont que très peu représentés.
Que mettent-ils en place ? C’est justement pour ne plus être tributaires de ce manque de représentatitivité au sein des institutions internationales que les BRICS ont décidé de créer leur propre système. Depuis plusieurs années, ils élaborent deux mécanismes de finance. Ces derniers sont censés être finalisés d’ici la fin de la journée de mardi.
Le premier est un fonds de stabilité similaire à celui qu’a créé l’Union européenne après la crise économique mondiale. Il sera provisionné de 100 milliards de dollars et aura pour objectif de permettre aux membres des BRICS de tenir le choc en cas de décision défavorable de la banque fédérale américaine. Le dollar étant la monnaie d’échange internationale, un changement de taux de Fed peut en effet avoir des effets dévastateurs sur les économies émergentes.
Le second mécanisme est une banque de développement et d’investissement à destination des régions en développement dans le monde, notamment l’Afrique, l’Asie du Sud et l’Amérique du Sud. Elle sera financée à part égale par chaque membre du groupement pour atteindre 50 milliards de dollars.
Quel est leur objectif ? “La banque d’investissement et de développement veut concurrencer le FMI”, decrypte pour Europe1.fr Folashadé Soulé-Kohndou, docteur en science politique à Sciences Po et spécialiste des “clubs” de puissances émergentes. “L’enjeu politique est très simple : les BRICS essayent de contester le système de quote-part du FMI, c’est à dire le pourcentage de vote qu’ils ont au sein des instances dirigeantes du FMI. Ce système n’a pas subit de réforme depuis longtemps. Malgré leur puissance économique, les membres des BRICS sont encore minoritaires en terme de pourcentage de vote.”
Il faut dire que cette fameuse quote-part est encore ridicule par rapport au poids réel de ces pays dans l’économie mondiale. Au FMI, les votes qu’on attribue aux BRICS atteignent péniblement les 11% du total en cumulé. A titre de comparaison, les Etats-Unis représentent 16,75% des votes, la zone euro plus de 22%. La France à elle seule a plus de pouvoir que la Chine puisqu’elle dispose de 4,29% des votes contre 3,81% pour la seconde puissance économique mondiale.
Quelles difficultés rencontrent-ils ? En faisant cavaliers seuls, les BRICS n’échappent pas pour autant aux négociations qu’impose la mise en place de ce type de structure. “Ces pays se présentent comme un bloc uni, mais en terme de poids financier, la Chine peut mettre beaucoup plus que l’Afrique du Sud. Il y aura donc une forte asymétrie en terme de prise de décision”, analyse Folashadé Soulé-Kohndou. Dans les faits, la domination chinoise se fait d’ailleurs déjà sentir. Alors que l’Inde et l’Afrique du Sud voulaient accueillir le siège de l’institution, il ce sera finalement Shanghaï qui héritera des bureaux. Merci aux 41 milliards de dollars que l’empire du Milieu a investi à lui seul dans le fonds de stabilité.
Plus généralement, la volonté de travailler à un objectif de développement généralisé sur des territoires très différents risque de compliquer la tâche de ces nouveaux banquiers du monde. “Si les projets sont mis en oeuvre dans les autres pays en développement, dans les régions proches des pays des BRICS, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, il est clair que les besoins en infrastructure seront très différents. Mais même à l’intérieur des pays des BRICS, ces différences sont très importantes. L’Inde et le Brésil ont par exemple des besoins beaucoup plus importants qu’en Chine et en Russie”, conclu la spécialiste.