Abdelaziz Bouteflika n’a pas convaincu les Algériens. Loin de là. Au lendemain du discours télévisé du président algérien, la presse indépendante parle de "déception", de "non évènement".
Le président "s'est fait la voix d'un système qui veut garder les choses en main en faisant miroiter des réformes qui ne le sont pas", analyse El Watan, qui soupçonne Abdelaziz Bouteflika de chercher à "gagner du temps". Évoquant "le geste lent, la voix inaudible par moments et les yeux rivés sur ses feuilles", le quotidien algérien souligne que "l’impression est que Abdelaziz Bouteflika a été forcé à subir cette épreuve du grand oral pour sauver la face d’un régime qui cherche déjà son successeur".
Alors que l'Algérie a été, en janvier, l'un des premiers foyers de la contestation arabe après la Tunisie, le chef de l’Etat a totalement occulté dans son allocution les manifestations et les mouvements sociaux qui agitent son pays depuis des semaines.
Pendant une vingtaine de minutes, Abdelaziz Bouteflika a annoncé sans grande "conviction" quelques réformes phares, note El Watan : la mise en place d’une commission pour modifier la Constitution de 1996, une révision de la loi électorale, de la loi sur les partis politiques et du code de l'information. Des réformes à mettre en œuvre d'ici un an, par voie parlementaire ou référendaire.
"Des actions pour satisfaire les revendications sociales légitimes" :
"En se gardant de fixer une échéance et un calendrier précis à cette révision, le président donne la nette impression de vouloir gagner du temps", estime le journal les Dernières nouvelles d’Algérie. "Ce constat vaut aussi pour ses annonces concernant la révision des lois sur les partis politiques, les associations ou celle concernant le code sur l’information", poursuit le quotidien.
La précédente modification de la Constitution remonte à 2009. Le chef de l’Etat, aujourd’hui âgé de 74 ans, avait fait amender le texte pour pouvoir briguer un troisième quinquennat alors que les mandats présidentiels étaient limités à deux.
"Des institutions mal élues"
"Je pense que changer des textes ou amender la constitution n'est pas la meilleure façon pour aller vers un changement du système en Algérie parce que le problème en Algérie est que les institutions civiles et militaires agissent en dehors des lois", a regretté Mustapha Bouchachi, président de la Ligue pour la défense des droits de l'Homme (LADDH, indépendante). Les réformes "ne doivent pas être conduites par des institutions mal élues qui symbolisent la régression démocratique en Algérie" a-t-il conclu.
"Réduire la réforme à la révision des textes revient à ignorer une grande vérité: l'impuissance du régime et ses imperfections découlent plus de ses pratiques et de ses règles de travail que des textes, qu'il s'agisse de la constitution ou des lois", a observé Abdelhamid Mehri, un ancien dirigeant du FLN, dans une déclaration envoyée à la presse.
Loin du scepticisme ambiant, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a estimé samedi que les réformes annoncées par le président Bouteflika allaient "dans la bonne direction". "Le grand mouvement d'aspiration populaire à la liberté et à la démocratie, qui touche l'ensemble du Maghreb et au-delà, jusqu'au Golfe persique, concerne aussi l'Algérie bien sûr", a-t-il conclu.