C'est une jeune femme svelte, à la longue chevelure brune, très loin de l'image du guérillero en treillis et en arme. Et pourtant, Tanja Nijmeijer, une Hollandaise de 34 ans, fait bien partie de la plus vieille rébellion marxiste d'Amérique du sud : les Forces armées révolutionnaires de Colombie. Depuis quelques jours, la seule recrue européenne connue au sein des Farc est sous le feu des projecteurs.
La délégation de la rébellion, qui a entamé des discussions de paix à Oslo avec le gouvernement colombien, a en effet décidé de l'incorporer aux négociations. Un joli coup médiatique pour la guérilla qui s'attend à une négociation délicate.
Emue par les inégalités sociales
Le premier séjour en Colombie de Tanja Nijmeijer, issue d'une famille catholique de la classe moyenne néerlandaise, remonte à l'an 2000. Elle vient étudier la philologie et enseigne l'anglais en Colombie, qu'elle considère vite comme son pays d'adoption. Lors de son séjour, la jeune femme est émue par les inégalités sociales et les exactions commises dans le pays. Elle se rend dans la région du Caguan,au sud de la Colombie, où se sont déroulées les précédentes négociations avec les Farc entre 1999 et 2002.
Cette tentative de paix échoue mais cela ne douche pas les envies de la jeune femme. Comme toute une génération de jeunes guérilleros, Tanja Nijmeijer rejoint les milices urbaines des Farc à Bogota avant de faire le grand saut. "Alexandra", son nom de guerre, prend rapidement le maquis, dans la jungle. Dans les rangs de la rébellion, cette polyglotte est reconnue pour ses travaux de traduction et de communication. Même si elle a connu des moments difficiles avec certains chefs des Farc depuis dix ans, elle a toujours exprimé sa fierté d'appartenir à la rébellion fondée en 1964 :
Accusée d'enlèvement et d'attentat
En accord avec la guérilla, Tanja Nijmeijer participera donc à la seconde étape des pourparlers avec le gouvernement colombien, prévue à Cuba après le lancement officiel du dialogue jeudi en Norvège. Sa présence, qui détonnera aux côtés de vétérans choisis par la guérilla, vise à donner une autre image d'un mouvement toujours inscrit sur la liste des organisations terroristes.
"Sa participation est un coup politique vis-à-vis de l'opinion publique de l'Union européenne où avait couru l'idée que les Farc la retenait de force", estime Ariel Avila, enquêteur auprès de l'institut Nuevo Arco Iris, spécialiste du conflit colombien.
Reste que cette participation aux négociations a fait polémique en Colombie. Selon les médias locaux, les autorités de Bogota n'ont pas apprécié la nomination de cette rebelle, accusée d'avoir participé à l'enlèvement en 2003 de trois Américains d'une entreprise de sécurité. Ceux-ci ont passé cinq ans en captivité avant d'être libérés par l'armée en compagnie de l'ex-otage française, Ingrid Betancourt.
Ils la soupçonnent également d'être impliquée dans un attentat à la bombe visant un autobus et qui a causé la mort d'un mineur et blessé seize personnes à Bogota en avril 2003. Tanja Nijmeijer a survécu à cette attaque, précise son biographe, Jorge Enrique Botero. En revanche, l'un de ses proches, Jorge Enrique Botero, le chef militaire des Farc a lui été tué.