"Ce n’est qu’un début". Cette promesse ou plutôt cet engagement a été pris samedi par l’un des fondateurs de la coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNDC), Fodil Boumala, à l’issue de la manifestation qui a tourné court à Alger. Un semi-échec qui n’a cependant pas éteint la soif de démocratie d’une grande partie de la population algérienne, attisée par la chute des régimes tunisien et égyptien.
Un nouveau rendez-vous est d’ores et déjà fixé. Une marche pour réclamer "un changement de régime en Algérie" aura lieu le 19 février à Alger et chaque samedi jusqu’à la démission du gouvernement. Le principe d’une grève générale a été également été évoqué dimanche par la CNCD, sans toutefois arrêter de date. L’objectif est clair : dénoncer le système et ouvrir la voie à de véritables changements. Et la liste des revendications est longue.
En tête, la levée de l’Etat d’urgence en vigueur depuis 19 ans et renforcé en 2001 dans la capitale algéroise. Le 3 février, le président Abdelaziz Bouteflika, avait annoncé sa suppression dans "un très proche avenir". Une annonce confirmée lundi matin par le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci sur Europe 1. "Dans les jours prochains, on en parlera comme du passé", a-t-il précisé.
Des rumeurs de remaniement ministériel
Mais pour tourner la page du passé l’opposition et la société civile réclament aussi un changement à la tête de l’exécutif. Depuis quelques semaines, les rumeurs de remaniement ministériel se multiplient. Un écran de fumée dénoncé lundi dans le journal El Watan. "Les tentatives de mettre en avant un hypothétique remaniement du gouvernement, pour absorber les manifestations ayant caractérisé la rue algérienne, dès le début de l’année 2011, ne vont tromper personne", prévient un article intitulé Qui sauvera le soldat Bouteflika ?. "En langage direct, le soldat Bouteflika procèderait à un remaniement au sein du gouvernement pour dire au peuple que voilà, après 12 ans de pouvoir et grâce à la révolte des jeunes, je viens de découvrir que mon gouvernement est mauvais et qu’il ne travaillait pas suffisamment, oubliant ainsi que c’est bien lui le handicap et le frein de tous les gouvernements qui se sont succédé ", ironise le quotidien.
Ces mesures pourront-elles calmer la désespérance de toute une population ? Rien n’est moins sûr. Alors que les réserves bancaires ont été évaluées à 114 milliards d'euros -soit 155 milliards de dollars- en 2010 grâce aux hydrocarbures, le quotidien de bon nombre d’Algériens est synonyme de chômage (20% des jeunes sont sans-emploi), mal logement, flambée des prix. "Théoriquement l’Algérie est un pays riche, capable d’assurer une vie décente à toute sa population, analyse Karim Emile Bitar, chercheur associé à l’IRIS. "C’est cela aussi qui exaspère les jeunes. Ils devraient pouvoir vivre dignement si cette rente pétrolière était mieux gérée et mieux distribuée".
Les forces de sécurité appelées à la "retenue"
Sur la scène internationale, les appels au calme se multiplient depuis samedi. "Nous prenons acte des manifestations actuelles en Algérie, et appelons à la retenue les forces de sécurité", écrit le porte-parole du département d'Etat américain, Philip Crowley dans un communiqué. "Par ailleurs, nous réaffirmons notre soutien aux droits universels du peuple algérien, y compris les droits de réunion et d'expression. Ces droits s'appliquent sur internet" et "doivent être respectés", ajoute-t-il, précisant que les Etats-Unis "suivront de près la situation ces prochains jours".
Un message relayé à son tour par la France lundi. "Ce qui est important à nos yeux, c'est que la liberté d'expression soit respectée et que les manifestations puissent se dérouler librement et sans violence", a déclaré à Paris le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero.
Le président Bouteflika, au pouvoir depuis 12 ans, est-il condamné à subir le même sort que ses voisins tunisien et égyptien ? Pas si l’on en croit El Watan. "Le seul moyen pour le faire est d’aller vers une période de transition, l’ouverture du champ politique et médiatique et lui ouvrir, en même temps, une porte de sortie afin, et par respect à son âge et son état de santé, de lui éviter la fin tragique de Ben Ali et de Moubarak", prône le journal algérois. "Le chef d’Etat doit avoir le sens élevé de la responsabilité, en sachant à quel moment il faudrait quitter la table, afin d’épargner d’autres tragédies au pays".