Mercredi devrait être une journée décisive pour la Libye. Les deux parlements en place – celui de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale, et celui de Tripoli - signeront un accord, à Rabat au Maroc. Ce texte a pour but d’instaurer un cessez-le-feu et de rétablir un Etat de droit dans le pays, déchiré par une guerre civile depuis plus d’un an et demi.
Que prévoit ce texte ? L’accord prévoit qu’une commission de huit membres – quatre de chacun des deux parlements rivaux – compose le futur gouvernement d’union nationale qui sera basé à Tripoli. Ce comité aura quarante jours pour mener à bien sa mission. Et ce gouvernement devra nommer, dans la foulée, le directeur de la banque centrale de Libye et le directeur de la compagnie pétrolière nationale.
Mais certains observateurs critiquent déjà toute tentative de précipiter le processus de réconciliation qui, selon eux, risque d'accentuer les divisions. Ils rappellent que les conditions de sécurité ne seraient pas réunies pour l'instant à Tripoli pour y installer un gouvernement.
Un cessez-le-feu. Mercredi soir, à minuit, un cessez-le-feu doit entrer en vigueur partout dans le pays. "Nous appelons toutes les parties à accepter un cessez-le-feu immédiat et complet dans toute la Libye", avaient déclaré, dans un communiqué commun, la vingtaine de pays et organisations internationales qui se sont réunis à Rome le week-end dernier en préparation de la signature de cet accord. Ces pays et organisations se sont par ailleurs engagés à fournir une assistance humanitaire aux habitants.
Le pétrole comme enjeu majeur. Si du point de vue libyen, c’est la reconstruction d’un Etat de droit qui doit être la priorités ; du point de vue de la communauté internationale ce sont les nominations des directeurs de la banque centrale et de la compagnie de pétrole nationale qui importent. Et cela se ressent dans l'accord signé, selon Kader A. Abderrahim, maître de conférences à Sciences-po Paris et spécialiste du Maghreb.
"Il y a eu clairement une ingérence étrangère dans cet accord. Le 6 décembre dernier, les deux parties libyennes avaient réussi à se mettre d’accord sur un texte, mais il a été rejeté par les Etats-Unis et les Nations Unies", rappelle le spécialiste, qui dénonce une volonté des Etats-Unis et de l’ONU "de contrôler ces deux nominations pour défendre leurs intérêts pétroliers".
Qui s’assurera de l’application du texte ? Il n’existe aucun réel pouvoir de contrainte. Rien ne dit que l’accord signé sera appliqué et respecté. La Libye est divisée en plusieurs groupes qui s’affrontent et tous ne seront peut-être pas séduits par le projet politique ou les conditions dans lesquelles l’accord a été rédigé.
Une union face à Daech. Les puissances occidentales souhaitent que ce gouvernement d’union nationale soit aussi une manière de barrer la route à l'organisation Etat islamique (EI) autour de son fief de Syrte, ainsi qu'aux réseaux de passeurs qui envoient chaque mois vers l'Italie des milliers de migrants dans des conditions inhumaines. Mais là encore, Kader A. Abderrahim met en garde : "Rien ne dit que tous les groupes accepteront de se coordonner pour combattre Daech et c’est d’ailleurs ce qui se passe depuis dix-huit mois en Libye, il n’y a aucune coordination face à l’organisation terroriste".
Et la France ? La France n’est pas vraiment intervenue dans le dossier libyen qui a surtout été conduit par les Nations Unies et les Etats-Unis. "On est resté extrêmement en marge de ce dossier alors que nous avions des atouts", regrette Kader A. Abderrahim, soulignant que "la France a un lien privilégié" avec ses partenaires africains, notamment au Maghreb. "Si nous avions pris l’initiative de nous lancer dans une espèce de marathon diplomatique, nous aurions pu nous entendre avec nos partenaires du sud de la Méditerranée, pour pousser les parties rivales libyennes à parvenir à un accord sans ingérence étrangère directe dans le dossier" conclut le spécialiste.