LafargeHolcim condamne "les erreurs inacceptables commises en Syrie", a déclaré jeudi le cimentier, au lendemain de la divulgation d'un rapport d'enquête qui révèle que la direction française du groupe "a validé" des paiements effectués par sa filiale syrienne à des organisations djihadistes, dont l'État islamique (EI).
"Dès qu'il a été informé des irrégularités commises en Syrie, le conseil d'administration a tenu à diligenter une enquête" interne, relève Lafarge, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim. Le groupe a aussi mis en place "des mesures afin de renforcer davantage l'efficacité des protocoles et contrôles existants pour assurer une meilleure prévention et détection des éventuels manquements afin qu'une telle situation ne puisse se reproduire", ajoute-t-il. Lafarge est au cœur d'une enquête sur les liens qu'il a pu entretenir, notamment avec l'EI, pour continuer à faire fonctionner en 2013 et 2014, malgré le conflit, sa cimenterie de Jalabiya, au nord de la Syrie.
Des paiements du cimentier effectués "aux groupes djihadistes". En septembre 2016, après des révélations du Monde, le ministère de l'Économie avait déposé plainte, déclenchant l'ouverture d'une enquête préliminaire par le parquet de Paris, confiée au Service national de douane judiciaire (SNDJ). Dans son rapport, le SNDJ confirme que la branche syrienne du cimentier, Lafarge Cement Syrie (LCS), a "effectué des paiements aux groupes djihadistes" via un intermédiaire.
Des agissements couverts par d'autres protagonistes ? La conclusion des douanes est surtout accablante pour la direction française de l'époque qui "a validé ces remises de fonds en produisant de fausses pièces comptables", d'après ce rapport. Les douanes judiciaires ont entendu neuf responsables du cimentier et de sa filiale syrienne. Seules trois ont avoué avoir eu connaissance de ces pratiques, mais, pour les enquêteurs, "il est tout à fait vraisemblable que d'autres protagonistes aient couvert ces agissements", dont Bruno Lafont PDG de Lafarge de 2007 à 2015.
La démission d'un PDG en avril 2015. En avril, Eric Olsen, patron de LafargeHolcim depuis juillet 2015, avait démissionné pour tenter de désamorcer le dossier syrien. Le conseil d'administration avait accepté sa démission mais estimé qu'il n'était "ni responsable ni pouvant être considéré comme informé des actes répréhensibles identifiés" en Syrie. Le dossier a été confié en juin à trois juges d'instruction.