Les États-Unis ont annoncé lundi l'expulsion de 60 "espions" russes dans le cadre d'une action coordonnée entre pays occidentaux pour répondre à l'empoisonnement au gaz innervant d'un ex-agent russe et de sa fille en Grande-Bretagne, dont ils accusent Moscou. Quatorze pays de l'Union européenne (UE) ont également décidé d'emboîter le pas. Alors que Moscou a dénoncé une "provocation" et a promis de "riposter", Londres a salué "la réponse extraordinaire de ses alliés".
Les États-Unis expulsent 60 "espions"
Un haut responsable de l'administration américaine a indiqué que 48 "agents de renseignement connus" du consulat de Russie à Seattle et douze de plus à la mission russe de l'ONU avaient sept jours pour quitter les États-Unis. "Les États-Unis sont prêts à coopérer pour bâtir une meilleure relation avec la Russie, mais cela ne peut que se produire si le gouvernement russe change d'attitude", souligne un communiqué de presse de la Maison-Blanche. La présidence a cité la proximité d'une base de sous-marins et d'une grande partie des installations industrielles de Boeing pour justifier la fermeture du consulat russe à Seattle, dans l'État de Washington.
"Nous prenons ces mesures pour démontrer notre solidarité indéfectible avec le Royaume-Uni, et pour imposer à la Russie de sérieuses conséquences pour ses violations continuelles des normes internationales", explique le département d'État dans un communiqué. "Les États-Unis en appellent à la Russie pour qu'elle assume la responsabilité de ses actes et fasse la démonstration qu'elle est capable d'être à la hauteur de ses engagements et responsabilités internationaux en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations unies pour maintenir la paix et la sécurité", ajoute-t-il.
Dans la foulée, le Canada a lui aussi décidé d'expulser quatre diplomates russes, qui travaillaient à l'ambassade de Russie à Ottawa et au consulat général de Montréal. Par ailleurs, le gouvernement canadien a rejeté trois demandes de personnel diplomatique supplémentaires présentées par le gouvernement russe, a dit la ministre des Affaires étrangères dans un communiqué. "Le Canada prend ces mesures par solidarité avec le Royaume-Uni", a-t-elle assuré.
Dans l'UE, une "décision concertée"
Quatorze pays de l'Union européenne ont également décidé lundi d'expulser des diplomates russes, a annoncé le président du Conseil européen Donald Tusk. "De manière concertée, quatorze pays de l'UE ont décidé d'expulser des diplomates russes", a déclaré Donald Tusk, depuis Varna, en Bulgarie. "Des mesures supplémentaires, incluant de nouvelles expulsions, ne sont pas exclues dans les prochains jours et (les prochaines) semaines", a ajouté Donald Tusk.
La France a également annoncé l'expulsion de quatre diplomates russes, en solidarité avec la Grande-Bretagne. "Nous avons notifié aujourd'hui aux autorités russes notre décision d'expulser du territoire français quatre personnels russes sous statut diplomatique, dans un délai d'une semaine", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian dans un communiqué. Cette décision "fait suite aux conclusions du Conseil européen des 22 et 23 mars", ajoute le chef de la diplomatie française. "L'attaque de Salisbury constitue une menace grave à notre sécurité collective et au droit international" et "le Conseil européen est convenu qu'il n'existait pas d'autre explication plausible que celle de la responsabilité de la Fédération de Russie".
#SalisburyAttack : @JY_LeDrian a annoncé l'expulsion de quatre diplomates russes. https://t.co/wjchY9PNfOpic.twitter.com/SKdeTrczVc
— France Diplomatie (@francediplo) 26 mars 2018
L'Allemagne a également pris des sanctions, identiques à celles de la France. "Nous avons expulsé aujourd'hui (lundi) quatre diplomates russes. Car la Russie n'a toujours pas contribué à éclaircir l'empoisonnement de Salisbury", a indiqué le ministère des Affaires étrangères allemand sur son compte Twitter. L'Italie a de son côté expulsé deux diplomates russes de son territoire. Idem pour le Danemark, indiquant que la solidarité danoise envers la Grande-Bretagne était "univoque".
L'ancien bloc soviétique solidaire
Plusieurs pays ayant fait partie de l'ancien bloc soviétique (la Pologne, l'Ukraine, la République tchèque, les trois pays baltes) ont aussi annoncé lundi l'expulsion de diplomates russes. L'Ukraine va expulser treize diplomates russes, décision prise "dans un esprit de solidarité avec nos partenaires britanniques et nos alliés transatlantiques et en coordination avec les pays de l'UE", a déclaré le président ukrainien Petro Porochenko, cité par son service de presse. La Pologne a déclaré persona non grata quatre diplomates russes, tandis que la République Tchèque et la Lituanie ont en fait partir trois chacune. La Lituanie ajoutera également 21 noms de citoyens russes à une liste de personnes indésirables et interdites d'entrée, établie l'année dernière.
La Russie dénonce une "provocation"
Après l'annonce des expulsions de ses diplomates, la Russie a dénoncé une "provocation" et a promis de riposter. "Nous protestons fermement contre la décision de plusieurs pays de l'UE et de l'Otan d'expulser des diplomates russes", a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. "Ce geste provocateur de prétendue solidarité avec Londres (…) témoigne de la poursuite d'une ligne de confrontation visant à aggraver la situation", souligne le ministère.
La Russie clame son innocence depuis le début de cette affaire d'empoisonnement d'un ex-espion russe, Sergueï Skripal, et de sa fille en Grande-Bretagne, imputé par Londres à Moscou. Les pays ayant opté pour l'expulsion de diplomates russes "se sont laissés guider par Londres sans se donner la peine de comprendre (…) ce qui s'est passé", a estimé la diplomatie russe, dénonçant une nouvelle fois des "accusations gratuites" à l'encontre de Moscou. "Il va sans dire que cette mesure inamicale de ce groupe de pays ne restera pas sans conséquences et que nous allons forcément y répondre", a souligné le ministère.
À l'inverse, le Royaume-Uni s'est félicité de cette vague d'expulsions. "La réponse extraordinaire de nos alliés constitue le plus grand mouvement d'expulsion d'agents russes de l'histoire, et permet de défendre notre sécurité partagée", a écrit le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, sur Twitter.
Today’s extraordinary international response by our allies stands in history as the largest collective expulsion of Russian intelligence officers ever & will help defend our shared security. Russia cannot break international rules with impunity
— Boris Johnson (@BorisJohnson) 26 mars 2018
La satisfaction de Theresa May. "Ensemble, nous avons envoyé le message que nous ne tolérerons pas les tentatives continues de la Russie de bafouer le droit international et saper nos valeurs", a insisté lundi la Première ministre britannique Theresa May devant les députés, se félicitant d'avoir "trouvé une grande solidarité de nos amis et partenaires de l'UE, de l'Otan, d'Amérique et au-delà".