C'est un long dimanche que vivent les Algériens. Alors que la candidature d'Abdelaziz Bouteflika a été déposée en début de soirée par son directeur de campagne, le pouvoir du président de l'Algérie depuis 20 ans n'avait jamais eu à faire face à de telles manifestations. Kader Abderrahim, maître de conférence à Sciences Po, spécialiste du Maghreb et de l'islamisme, décrypte au micro d'Europe 1 la politique du gouvernement Bouteflika.
"Le candidat doit se présenter lui-même". "Sur le chemin pour venir à Europe 1, la chaîne de télévision officielle Ennahar a annoncé qu'Abdelaziz Bouteflika était officiellement candidat pour un cinquième mandat à la prochaine élection présidentielle", explique-t-il, alors que dans l'après-midi, des cartons auraient été déposés au Conseil constitutionnel, supposés transporter les cartons de parrainages de la candidature du président Bouteflika à la présidentielle du 18 avril. "Ça va être difficile car sur le site internet du Conseil constitutionnel il est indiqué sur le candidat doit se présenter lui-même, physiquement, pour déposer sa candidature", complète Kader Abdarrahim.
"Le Conseil constitutionnel est chargé de faire appliquer la loi". Mais un flou demeure puisque certains articles laissent entendre qu'aucune disposition légale ne semble obliger le candidat à se présenter au Conseil constitutionnel. Que dit concrètement la Constitution algérienne ? "La loi fondamentale c'est le Conseil constitutionnel qui est chargé de la faire appliquer et c'est lui qui indique, sur son site internet, que le dossier, 'doit être déposé par le candidat', fermez les guillemets", analyse Kader Abderrahim. "C'est très clair, c'est précis, et on ne voit pas comment Abdelaziz Bouteflika pourrait déposer son dossier puisqu'il est toujours hospitalisé à Genève", ajoute le spécialiste, qui évoque un "clan", une "garde rapprochée" aux manettes du pouvoir en Algérie.
La nouvelle est depuis tombée : la candidature d'Abdelaziz Bouteflika a été déposée dimanche, en début de soirée, par son directeur de campagne. Dans une lettre transmise et lue à la télévision nationale, le président algérien s'est engagé, s'il était élu le 18 avril, à ne pas aller au bout de son mandat et à se retirer à l'issue d'une présidentielle anticipée, dont la date serait fixée à l'issue d'une "conférence nationale".
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"La principale préoccupation de ce système est d'assurer sa permanence". "C'est un système politique extrêmement opaque", analyse Kader Abderrahim. "Il est difficile de connaître les rivalités entre ces hommes et sur quoi elles reposent. En réalité, c'est un système dont la principale préoccupation est de se pérenniser, c'est sa permanence, son avenir. Toute leur énergie et leur intelligence sont mobilisées pour cela et le reste est accessoire", décrit l'universitaire. "Il faut ajouter qu'il y a aujourd'hui une corruption qui a atteint des sommets inégalés jusque-là en Algérie, qui fait qu'il y a des intérêts financiers que veulent absolument préserver ces clans", insiste Kader Abderrahim. "Mais il y a 42 millions d'Algériens qui ont décidé de jouer une toute autre partition et qui se mobilisent".